Je te veux fière de toi : regards croisés

Claude Spicher[1]

 

Je suis fière du chemin parcouru,

Je me sens humble – ô combien – devant celui qu’il me reste à entreprendre.

HJ LIM –임현정

 

La douleur mêle corps et sens. Elle n’est PAS la copie mentale d’une effraction organique, elle est somatisation (soma : corps) et sémantisation (sema : sens). Le phénomène de la douleur est ainsi organique ET sémantique (Le Breton, 2017) ; c’est indiscutable. Cependant, le sens prend naissance dans le regard qu’autrui porte sur nous et que nous portons sur nous-même.

Nous sommes capables d’un manque d’égard, d’une grande brutalité, voire même de maltraitance envers nous-même (Midal, 2017). Cette honte pourrait être levée en s’autorisant à être.

Le regard d’autrui pourrait aussi cesser de nous culpabiliser et faire naître de la fierté[2] ; mot trop peu usité dans la langue française, par une fausse modestie qui n’a de cesse d’attendre la reconnaissance de l’autre.

Léa Wiazemsky (2015) a incarné ce regard dans celui d’un grand-père : « Ce que j’ai lu cet après-midi dans le regard de mon grand-père posé sur moi, jamais je ne l’avais vu ailleurs. Une tendresse et une pointe de fierté à mon égard qui m’ont donné le sentiment d’être capable de déplacer des montagnes. »

Ce narcissisme, qui faisait tellement défaut à Fabrice Midal (2017), a été ébauché par le regard de Chonon Migdalewicz : « Ce jour où mon grand-père est entré dans ma chambre pendant que je peignais. Il a regardé par-dessus-mon épaule. Je ne le voyais pas, mais je ressentais son intérêt et sa curiosité. Il m’a demandé ce que je dessinais, m’a dit que ça lui plaisait. C’est tout. C’est tout et c’était énorme ».

Si, comme moi, vous n’avez pas connu vos grands-pères, débutez sans tarder à porter un regard bienveillant envers vous-même ou … imaginez-vous en un.

  • Le Breton, D. (2017). TENIR. Douleur chronique et réinvention de soi. Paris : Métailié.

  • Lim, H.J. (2016). Le son du silence. Paris : Albin Michel.

  • Midal, F. (2017). Sauvez votre peau ! Devenez narcissique. Paris : Flammarion.

  • Wiazemsky, L. (2015). Le vieux qui déjeunait seul. Paris : Editions Michel Lafon.

[1] Thérapeute de la main certifié suisse (2003 – 2028), et Collaborateur scientifique, Unité de physiologie, Faculté de science et de médecine, Université de Fribourg ; 5, Rue du Musée ; CH - 1700 Fribourg Suisse claude.spicher@unifr.ch  @claudejspicher

[2] Stolz auf Deutsch.

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