Les perceptions qui s’entrechoquent : l’empreinte du passé donne un goût au present
[Citation] : Rivet, C., Luis, O. & Spicher, C. (2020). Les perceptions qui s’entrechoquent : l’empreinte du passé donne un goût au présent. .e-News Somatosens Rehab, 17(2), 48-59.
Caroline RIVET[1], Orlando LUIS[2] & Claude SPICHER[3]
Quel que soit le service où nous, soignants, sommes amenés à travailler, nous nous retrouvons toujours, un jour ou l’autre, face à un patient présentant des douleurs neuropathiques, plus ou moins sévères, plus ou moins anciennes, plus ou moins handicapantes et face auquel nous sommes, ou plutôt, étions démunis. La pratique de la méthode de rééducation sensitive des douleurs neuropathiques depuis maintenant de nombreuses années a permis aux 1318 thérapeutes formés à ce jour, de 42 origines différentes, d’offrir à de nombreux patients une amélioration significative de leurs douleurs, voire même leur guérison.
L’IASP (International Association for the Study of Pain) définit la douleur comme une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle, ou décrite dans ces termes. Elle définit également la douleur neuropathique comme « une douleur liée à une lésion ou une maladie affectant le système somatosensoriel ». Lors de douleurs chroniques, c'est-à-dire d’une durée supérieure à 6 mois, 25% des patients représentent partiellement ou uniquement des douleurs neuropathiques (Bouhassira et al., 2008). Ces ressentis, formant un subtil mélange de douleurs et souvent de souffrance, sont difficilement explicitables à autrui, et le sont de moins en moins au fur et à mesure du temps qui passe, que la douleur s’intensifie, s’installe et prend petit à petit toute la place, dans toutes les sphères de la vie. Le temps peut être perçu alors, pour le patient arrivé à ce stade, comme figé dans un présent impossible à vivre, ou parfois même décalé dans un antan douloureux qui ne parvient pas à s’exprimer. Lorsque les sens s’emmêlent et que le temps s’en mêle, il devient nécessaire, lors du suivi de rééducation sensitive d’adapter sa posture face au patient, afin de dénouer ces fils qui sont parfois inextricablement liés.
En tant que thérapeute pratiquant la rééducation sensitive, nous pouvons proposer un véritable accompagnement de ces patients, grâce d’une part à l’appui théorique de la méthode, fondée sur des données probantes d’un niveau 2 b ou 2c, et d’autre part à un savoir-faire et un savoir-être appropriés, basés sur la rencontre avec l’autre. Il conviendra souvent néanmoins, au sein d’une équipe multidisciplinaire, de faire le lien entre le patient, se sentant souvent incompris dans ses douleurs, et le reste de l’équipe afin de mettre en place la stratégie thérapeutique la mieux adaptée à tout moment pour chacun de nos patients.
Ainsi commencerons-nous tout d’abord par une présentation succincte de la méthode de rééducation sensitive, pour suivre, ensuite, par les enjeux de temporalité susceptibles d’être rencontrés dans nombre de prises en charge, pour terminer enfin par l’importance du cadre et de la relation thérapeutique adaptés à ces cas souvent complexes.
1e partie : Les piliers thérapeutiques
De l’intérêt de la méthod
La rééducation sensitive des douleurs neuropathiques fait l’objet d’un ouvrage dédié à la méthode, ré-édité à trois reprises (Spicher et al., janvier 2020), accompagné de son inégalable Atlas des territoires cutanés pour le diagnostic des douleurs neuropathiques (Spicher et al., 2017, mars 2020), ainsi que de nombreux articles (pour n’en citer que deux : Spicher et al., 2013 ; Morier et al., 2019). Tous ces écrits ont permis, au fil des années, de faire évoluer les pratiques professionnelles concernant la prise en charge des douleurs neuropathiques. En effet, cette méthode est dorénavant indiquée avec un niveau d’évidence 2C pour le traitement des syndromes douloureux régionaux complexes (SDRC) avec allodynies (Packham et al., 2018). Il nous semble important de refaire un point sur différents aspects de la méthode.
En effet, l’axiome, propre à la médecine du XXIe siècle stipule : « lorsque le patient évoque des symptômes neuropathiques, c’est qu’il présente des lésions des neurofibres Aβ d’au moins une branche cutanée » (Spicher et al., 2020). C’est à partir de ce postulat que va s’articuler l’évaluation, puis la prise en charge de ces douleurs spécifiques, en recherchant la, ou même, les portions de peau pas assez sensibles (hypoesthésie) ou encore trop sensibles (allodynie mécanique statique), afin de mettre en place la stratégie thérapeutique adaptée, comme le montre le raisonnement clinique présenté dans la figure 1 ci-après.
Pour pratiquer ces évaluations sensitives, il convient d’être a minima équipé en matériel : le McGill Pain Questionnaire dans la langue maternelle de l’évalué, quelques monofilaments (fils de nylon également appelés esthésiomètres), un compas à 2 ou 3 pointes (dit compas de Weber), des feutres de couleurs et, pour les plus chanceux, un générateur de vibrations.
A la suite d’une prescription d’évaluation sensitive, le tout premier temps du bilan est celui de la rencontre et de l’anamnèse, ce « récit à deux voix » (Spicher et al., 2018) qui orientera les examens cliniques suivants. C’est déjà dans ce premier temps d’écoute que la relation va s’installer. Ce moment permettra d’établir l’historique des douleurs et de noter les qualificatifs dont use spontanément le patient pour décrire ses douleurs. L’évocation de gêne, voire de douleur provoquée par les vêtements, ou les draps, ou bien encore par le contact de la main du conjoint nous orientera vers la recherche d’une allodynie.
Une hypoesthésie vibrotactile est une sensibilité émoussée lors d’une stimulation tactile et/ou vibratoire et/ou thermique (Spicher et al. 2017). Elle est définie par une esthésiographie positive, c'est-à-dire une cartographie de la zone où une stimulation, par une force d’application déterminée (en fonction de la branche cutanée testée), n’est pas détectée. La sévérité de cette hypoesthésie sera objectivée à l’aide de bilans complémentaires : la capacité de discrimination de 2 points statiques (compas à 2 ou 3 pointes), le seuil de perception à la pression, et la recherche des signes de fourmillements si vous êtes équipé d’un générateur de vibrations. Dans le cas d’une hypoesthésie avérée, la mise en place d’une rééducation de la sensibilité, basée sur la neuroplasticité adaptative du système somesthésique, est importante car « diminuer l’hypoesthésie diminue les douleurs neuropathiques » (Mathis et al., 2007).
Une allodynie mécanique statique (AMS) est la « perception douloureuse d’un stimulus qui normalement ne produit pas de douleurs. » (Malenfant, 1998). Elle est également largement décrite comme une hypoesthésie paradoxalement douloureuse au toucher, qui recouvre partiellement ou totalement le territoire hypoesthésique. Il faudra donc, avant de pouvoir traiter l’hypoesthésie, faire disparaître l’allodynie par le biais d’une thérapeutique adaptée en deux points : d’une part, éviter de toucher la zone définie par le thérapeute et, d’autre part, réaliser une contre-stimulation vibrotactile à distance (CSVD) dans une zone plus ou moins éloignée de l’allodynie, définie par le territoire où une stimulation très douce et confortable est perçue comme telle par le patient.
L’allodynographie est un signe d’examen clinique valide, reproductible et sensible au changement (Packham et al., 2019a) qui permet de délimiter par 4 points le territoire allodynique où la stimulation par un monofilament d’une force d’application de 15 grammes provoque une douleur égale à 3 sur une échelle visuelle analogique de 10 cm (ou douleur au repos +1 si celle-ci est supérieure à 3/10 au repos).
La sévérité de l’AMS (Fig. 2), et donc le pronostic de traitement, peut être évaluée grâce au 5e point : lors de la première allodynographie, le thérapeute recherchera, au centre de cette dernière, le seuil de provocation de la douleur, c’est-à-dire le plus petit monofilament dont l’application unique provoquera une douleur à 3 cm / échelle visuelle analogique (EVA) ou augmentera la douleur au repos de 1 cm / EVA. C’est avec ce monofilament que se dérouleront les cartographies suivantes, appelées alors arc-en-ciel des douleurs. Des données probantes sont aujourd’hui disponibles pour affirmer que ce signe d’examen clinique présente une fidélité inter- et intra-juge (Packham et al., 2019b) ; autrement dit, que l’arc-en-ciel des douleurs est reproductible. Statistiquement, il faut compter en moyenne 1 mois pour évoluer d’une couleur sur l’arc en ciel, dans le cadre d’une thérapie bien suivie. Certains facteurs intrinsèques et extrinsèques peuvent moduler le pronostic, mais la moyenne énoncée reste valide dans 84% des cas traités (Clément-Favre et al., 2011 ; Spicher C.J, 2017).
L’absence, l’intermittence ou la permanence des douleurs spontanées (hypoesthésie) et/ou provoquées (allodynie) dans la branche cutanée nerveuse lésée ou bien encore la présence de signes cliniques et symptômes spécifiques (syndrome douloureux régional complexe ou SDRC), nous permettra de définir le stade de lésions axonales et d’adapter ainsi la stratégie thérapeutique (Fig. 1). L’ensemble des huit conditions (sept status neuropathiques et un status somesthésique) est repris dans le tableau I.
Pour clore cette partie, il convient d’évoquer les conditions incompatibles et les contre-indications à la mise en place d’une rééducation sensitive : une anesthésie vibrotactile (lorsque l’application de 100 g n’est pas détectée et qu’une vibration mécanique d’amplitude de 1 mm n’est pas perçue), l’absence de zone confortable de contre-stimulation vibrotactile dans le cas d’allodynies sévères, un syndrome thalamique, des troubles cognitifs mettant en jeu la compréhension des consignes, ou encore la non-adhésion du patient à la méthode.
2e partie : La douleur insensée
Lorsque le temps perd sa linéarité
"La vie n'a pas de sens.
Ni de sens interdit,
ni sens obligatoire.
Et si elle n'a pas de sens,
c'est qu'elle va dans tous les sens
et déborde de sens, inonde tout.
Elle fait mal aussi longtemps qu'on veut lui imposer un sens,
la tordre dans une direction ou dans une autre.
Si elle n'a pas de sens,
c'est qu'elle est le sens."
Christiane Singer
Une fois dépassé son statut d’alarme initial, la douleur n’a, a priori, plus de raison d’être. Et pourtant, parfois, elle peut perdurer, devenir alors chronique, et s’insinuer dans tous les coins et recoins de la vie de la personne concernée. Le propre des douleurs neuropathiques se situe dans l’existence de pics de douleurs paroxystiques, nommés crises névralgiques, pouvant projeter simultanément notre patient dans plusieurs temporalités : la crise actuelle, la ou les crises précédentes et parfois même un événement antérieur sans rapport apparent avec la douleur occasionnant le traitement.
En règle générale, la rééducation sensitive suit les mêmes règles d’évolution qu’une rééducation classique, conjuguant ainsi des phases d’amélioration et potentielles phases de stagnation, voire de régression. Nos patients pourront donc majoritairement constater en quelques semaines une évolution plus ou moins lentement favorable : la peau pourra pour certains être touchée de nouveau, pour d’autres une articulation pourra être réutilisée avec moins de douleurs, ou pour d’autres encore les crises névralgiques vont petit à petit s’espacer et s’atténuer voire disparaître au fil du temps.
Toutefois, dans certains cas particuliers, certains patients restent submergés par la douleur, souvent bloqués dans un cycle douloureux où le temps n’a pas cours, et où le thérapeute ne peut objectiver aucune amélioration. Certains d’entre nous pourraient être tentés de capituler devant ces douleurs réfractaires au traitement sensitif. Mais l’expérience de thérapeutes aguerris tend à montrer que dans les crises névralgiques intenses et répétées peuvent se cacher d’autres expériences douloureuses, physiques ou psychiques, sans rapport avec le motif de consultation initial, qu’il faut parvenir à faire exprimer. Car, comme le rappelle Martin Winckler, « pour soigner une douleur, il est toujours indispensable d’écouter (et de croire) le récit de la personne qui a mal. Même lorsqu’elle évoque des faits très anciens ou qui semblent n’avoir aucun rapport avec la douleur actuelle. » (Winckler et Gahagnon, 2019). De nombreux auteurs ont également écrit sur ce sujet, que leurs travaux relèvent de la médecine, de la psychologie, de la phénoménologie ou encore de la sociologie. Selon Delafontaine-Catteau et Bioy (2014), « les émotions non élaborées par le patient lors des situations traumatiques ont ainsi, par leur capacité de sidération mais aussi de réactivation, l’opportunité d’empêcher le travail de mémoire : elles maintiennent alors la symptomatologie de répétition. Ce seront pourtant elles qui autorisent la remémoration et donc la réactivation des traces mnésiques enfouies en raison de l’incapacité du patient à les élaborer. »
Il est donc certain que dans quelques prises en charge, où le temps semble perdre son tempo, des événements sans lien apparent avec l’événement actuel pourront émerger au fur et à mesure des séances. Il conviendra donc alors, afin de permettre éventuellement une verbalisation d’ anciens événements douloureux tout en restant dans les limites de notre art, d’accueillir et de prendre en compte tous les éléments fournis par le patient et susceptibles de faire évoluer, enfin, la rééducation.
Pour illustrer notre propos, nous pouvons citer cette femme qui, au début de l’année 2019, a eu besoin de 4 séances, soit 1 mois de traitement, pour parvenir à ressentir, puis verbaliser que la consigne du non toucher était très difficile à respecter pour elle car cela la ramenait à une triste période de 1976 où elle était tétraparétique, bloquée dans son fauteuil roulant.
Il est donc toujours nécessaire, au fil de la rééducation, de rester à l’écoute et d’offrir un espace suffisant à notre patient, afin qu’il puisse évoluer dans la méthode proposée et de réajuster, si besoin, les éléments cardinaux de notre action thérapeutique : rappel des consignes, gestion des activités, adaptation des activités en fonction de la stratégie thérapeutique, aides techniques… (Goérès et al., 2019).
En somme, pour résumer cette partie, nous pouvons citer David Le Breton (2017) : « notre « tâche […] est justement de ressaisir l’unité de la personne, particulièrement en prenant en compte son histoire de vie ».
3e partie : Le lien thérapeutique pour aller mieux
L’apaisement d’envisager l’espoir du possible
Si les beaux jours du modèle strictement biomédical concernant les douleurs non nociceptives (n’ayant pas de rôle de signal d’alarme) sont heureusement derrière nous, il persiste encore certaines habitudes chez certains soignants qui, à défaut de trouver une cause organique évidente malgré de nombreux examens, pourront de façon malheureuse dire grosso modo au patient présentant des douleurs neuropathiques chroniques : « vos douleurs, c’est dans la tête ».
Le postulat de sincérité du patient va être le principe inhérent de notre traitement sensitif, et ce dès la première rencontre. C’est à partir de ce dernier que va s’organiser l’accueil de notre patient, le recueil de son histoire, l’évaluation objective de ses douleurs (qualificatifs/QDSA, cartographie adaptée, sévérité) et son suivi sensitif. Au sein de ce cadre théorique précis dont la maîtrise peut sembler parfois complexe, le patient, souvent en détresse parce que rarement écouté et entendu dans sa plainte douloureuse, peut enfin trouver un début de compréhension à ses douleurs et envisager petit à petit un futur meilleur.
Les rôles du thérapeute sensitif auprès du patient et de son entourage vont être multiples au cours du suivi, car divers champs s’entrecroisent, se juxtaposent et se superposent dans cette rééducation : mise en place de la stratégie thérapeutique adaptée, éducation thérapeutique, évaluation et adaptation continue des différents rôles du patient en fonction de l’évolution de la condition douloureuse et des contre-indications éventuelles.
C’est également au sein de l’équipe multidisciplinaire que le thérapeute sensitif accompagne le patient, par la transmission d’informations claires et adéquates aux différents intervenants concernés, ainsi que par la rédaction de comptes-rendus réguliers. Ce soutien pas à pas n’est pas toujours simple à réaliser, en particulier quand la mise en place d’une co-thérapie, c'est-à-dire la réalisation du suivi sensitif en binôme avec un autre thérapeute sensitif, n’est pas possible. En effet, il n’est pas inutile de rappeler que pour certains patients douloureux chroniques, en général ceux dont les scores au QDSA varient de élevés à très élevés (au-delà de 50 points), ceux dont les nuits se résument souvent à endurer les secondes qui passent, les comportements psychopathologiques sont fréquents et peuvent générer des difficultés supplémentaires à « maintenir le cap » de la rééducation sensitive (Goérès et al., 2019). L’intervention multidisciplinaire peut faciliter ces prises en charges complexes. Idéalement, nous pourrions considérer un suivi sensitif en co-thérapie, mais aussi un partenariat avec des collègues médicaux et paramédicaux sensibilisés à la méthode. Un suivi psychologique spécifique pourrait également permettre « l’évaluation de la dimension traumatique de la douleur » (Delafontaine-Catteau & Bioy, 2014).
Certaines de nos structures, n’ayant pas encore été pensées pour des suivis au long cours, doivent également s’adapter sur le plan logistique, avec patience, à ces prises en charges s’inscrivant dans la durée, car c’est en offrant cet espace hebdomadaire, non limité dans le temps, que nous pouvons offrir à ces patients un réel espoir de guérison.
Nous pouvons affirmer que, malgré tous les écueils rencontrés sur le chemin, souvent parcours du combattant, la méthode de rééducation sensitive permet d’obtenir des résultats. Comme le raconte si bien Estelle Murray, patiente encore suivie actuellement au Centre de Rééducation Sensitive du Corps Humain à Fribourg, où elle souligne l’importance de l’accompagnement et ce malgré les difficultés : « la puissante douceur de la rééducation sensitive, ça marche. » (Murray, 2019)
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Soigner les douleurs neuropathiques par un toucher adapté est le credo de la méthode décrite succinctement dans cet article, portée par une communauté de pratique toujours plus nombreuse et enthousiaste. Cette méthode représente également un message d’espoir pour les patients souffrant de douleurs neuropathiques, parfois sans discontinuer depuis de nombreuses années.
Mais, au-delà de la mise en pratique stricte de la méthode (permettant de garantir un cadre sécurisant au patient), il faut rappeler que la douleur chronique est multifactorielle et demande un savoir-être et un savoir-faire adéquats. En effet, si l’odeur des madeleines a permis à Proust de revivre un moment d’enfance agréable, il n’en va pas de même pour tous les déclencheurs sensoriels. En effet, nous pouvons considérer la douleur chronique comme « un stimulus qui raviverait le traumatisme « initial » par une association entre le ressenti douloureux actuel et celui du passé » (Petiau, 2006). La mémoire de la douleur est une donnée maintenant consensuelle, même si ses mécanismes sont complexes et restent pour certains encore à clarifier (Laurent, 2004), de même que l’impact de traumatismes anciens dans les douleurs chroniques. Ainsi, sans généraliser, il n’est pas rare en séance de percevoir un « écho fortement psychopathologique de la problématique somatique » (Nusbaum et al, 2010). C’est donc lorsque s’ouvre cette fenêtre sur un souvenir douloureux ancien, ou sur un élément autobiographique qui s’explique enfin que le thérapeute doit pouvoir être prêt à accueillir simplement cette parole.
Même si l’expérience permet de se forger, petit à petit, un savoir-être et un savoir-faire qui autorise une meilleure appréhension de ces « souvenirs traumatiques », le travail en co-thérapie, en multidisciplinarité ou encore en réseau nous permet de ne pas être seul · e à recevoir ces paroles parfois, voire souvent, difficiles. Finalement, notre travail consiste au fil des séances à donner du sens sans consensus, car comme la grande affaire du temps, le sens reste une affaire singulière - et non pas plurielle.
Senteur, douceur, sueur, saveur, lueur …….
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[1] Ergothérapeute DE, Rééducatrice Sensitive de la Douleur Certifiée (RSDC®)
[2] Physiothérapeute, Rééducateur Sensitif de la Douleur Certifié (RSDC®), Clinique d’adaptation à la douleur chronique - Centre de Réadaptation Lucie-Bruneau, 2275, Laurier est, Montréal (Qc, Canada), H2H 2N8 & Kinatex Sports Physio ET Plateau Mont-Royal / Tour Jacques Cartier, 1851 Sherbrooke est #401, Montréal (Qc, Canada) H2K 4L5
[3] Ergothérapeute, Centre de rééducation sensitive du corps humain – 6, rue Hans-Geiler, Clinique Générale, CH-1700 Fribourg & collaborateur scientifique du département de neurosciences et des sciences du mouvement (Prof. J.-M. Annoni), Faculté des sciences et de médecine, Université de Fribourg – 5, Ch. du Musée, CH-1700 Fribourg claude.spicher@unifr.ch @claudejspicher