Un nom sur une douleur invisible (N°63)

Opérée du dos en mai 2007 suite à un accident de travail, pose d’une arthrodèse L5-S1, les douleurs au niveau de la jambe ont persisté, donc ré-intervention au mois d’octobre 2007.

Après l’opération, je ne sentais presque plus ma jambe droite. Le chirurgien me disait qu’il ne pouvait rien faire et a décidé de ne plus me revoir. Très peu de temps après, une douleur du pied est survenue, je suis donc allée voir mon médecin traitant qui m’a donné de très forts anti-douleurs. Pas de résultat, toujours aussi mal. S’en est suivi un très long parcours de 10 ans. J’ai vu plusieurs spécialistes qui m’ont proposé un plâtre, diverses opérations comme une arthrodèse dans le pied, une nouvelle arthrodèse du dos, on m’a fait des infiltrations dans le pied…tout cela sans savoir ce qu’il se passait.

La douleur était intense : battements, picotements, démangeaisons, brûlures, sensation d’arrachement… Impossible de faire une nuit complète. Je me levais en moyenne 4 fois par nuit, je ne pouvais pas supporter le moindre frottement sur mon pied.

Au fur et à mesure, ma douleur s’est aggravée. J’étais très fatiguée. Mon état moral se dégradait, j’ai donc eu un suivi psychologique pendant 5 ans, c’était peut-être dans ma tête cette douleur !!!!! Mais rien n’y fait, elle est toujours présente. Je continue tant bien que mal à avoir une vie sociale : j’essaie de sortir, de marcher, de faire un peu de sport. On me dit qu’il faut que je bouge, je ne dois pas rester sans rien faire avec des problèmes de dos. Mais la douleur me poursuit, je vis avec. Le personnel médical me dit qu’il n’y a rien, le centre de la douleur veut me mettre sous morphine, de toute façon les anti-douleurs ne me font aucun effet.

Viennent ensuite les problèmes de l’ADEM (ADministration de l’EMploi) : il faut que je travaille, mais je suis la seule à savoir que je n’y arriverais pas. Je fais plusieurs formations pour essayer de trouver une solution pour mon avenir professionnel, mais la douleur est toujours là. Je n’arrive plus à supporter la pression de l’ADEM, mais comment prouver cette douleur invisible dans les images IRM, radios, scanner, etc.

L’ADEM décide donc de m’envoyer au COSP (Cellule d’Orientation Socio-Professionnelle) pendant 8 semaines pour une évaluation. Grosse panique : comment je vais leur expliquer mes douleurs ? Comment je vais faire pour tenir 8 heures par jour, en plus de la route ?

Le début au COSP était très difficile, beaucoup d’angoisses et de douleurs. Puis, un jour, j’ai un rendez-vous pour faire le test ERGOKIT® (Evaluation fonctionnelle des capacités physiques). Je suis reçue par une ergothérapeute (merci Maryse). J’ai commencé le test, et, tout d’un coup, un mot est tombé : « ALLODYNIE ». Je n’avais jamais entendu cela. Maryse m’explique que ma douleur de pied ressemble vraiment à une allodynie et qu’il faut que je fasse des tests supplémentaires pour confirmer la pathologie.

À mon retour du COSP, je me sens déjà un peu mieux : peut-être qu’au bout de dix ans, on a réussi à trouver pourquoi j’ai cette douleur au pied.

Ensuite, je rentre au Rehazenter. Evangélia me fait le test, allodynie confirmée, on sait pourquoi j’ai eu autant de douleurs, c’est une victoire pour moi, je peux maintenant mettre un nom sur une douleur invisible, prouver à la société que cela n’était pas imaginaire et que ce n’était pas pour profiter du système, comme on me l’a très souvent fait sentir.

Au début, j’étais très sceptique sur le procédé. J’y croyais sans y croire. Cela me semblait trop « délicat » comme thérapie pour contrôler une telle douleur, sachant qu’elle était là depuis 10 ans. Mais j’ai joué le jeu. De mon côté, j’ai trouvé des petites solutions pour éviter les frottements sur le pied, comme une cage pour ne pas que les draps touchent mon pied la nuit. Puis, au fur et à mesure, j’ai commencé à avoir des moments, la journée, où je n’avais pas mal (trop bizarre, je n’avais plus connu cette sensation depuis très longtemps). Puis, j’ai également senti un grand changement la nuit : je dormais plusieurs heures d’affilées, sans être réveillée par la douleur. Tous les mois, on fait le test, très bonne évolution.

Cela fait 7 mois que je suis au centre, je me sens beaucoup moins nerveuse, les douleurs ont énormément diminué, la fatigue a presque disparu, j’arrive même à faire des nuits complètes. 6 mois, 1 an de thérapie peuvent paraître longs, mais tellement peu par rapport à 10 années de souffrance physique et psychologique.

J’aurais encore besoin d’un peu de temps pour une reconstruction psychologique et surtout pour retrouver confiance en moi afin de pouvoir me projeter dans un avenir professionnel. Mais je tiens le bon bout, je suis presque sortie du tunnel.

MERCI Evangelia et Maryse, merci à tous.

Emmanuelle B.

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