Co-thérapie avec, tour à tour, trois co-équipières : avantages et inconvénients (4/4)
[Citation] : Girard, A., Murray, E., Bernardon, L. & Létourneau, É. (2021) ÉBAUCHE DE SYNTHÈSE Co-thérapie avec, tour à tour, trois co-équipières: avantages et inconvénients. Somatosens Pain Rehab, 18(3), 83-91.
GIRARD, A.[1] , MURRAY, E. [2], BERNARDON, L.[3] & LÉTOURNEAU, E.[4]
Information de l’Editorial Board
La base de cet article est tirée de ces articles, que vous trouverez à la suite de la version finale :
• Létourneau, E. (2013). Co-thérapie : avantages et désavantages. e-News Somatosens Rehab, 10(4), 166-168
ET de
• Bernardon, L. & Létourneau, E. (2021). Co-thérapie alternée : avantages et inconvénients. Somatosens Pain Rehab, 18(1), 13-17
ET de
• Murray, E., Bernardon, L. & Létourneau, E. (2021). Trois co-équipières pour une co-thérapie alternée : avantages et inconvénients. Somatosens Pain Rehab, 18(2), 47-53.
Selon le principe de cette rubrique ÉBAUCHE DE SYNTHÈSE, cet article est repris par des auteur·e·s différent·e·s avec l’accord final – ou non – des auteur·e·s précédent·e·s. L’objectif de cette rubrique est de rechercher un plus grand commun multiple sur un thème donné. C’est une tentative de s’éloigner de la recherche d’un consensus où nous finissons, trop souvent, par nous entendre sur un-presque-rien.
ABSTRACT
Co-therapy in a rehabilitation environment using the somatosensory rehabilitation of pain method presents plenty of advantages with a few disadvantages both for the professionals and the patient. That form of co-therapy can be described as two therapists sharing the same therapeutics goals and approach with a single patient, but seeing him in alternate weeks.
Co-therapy is for the patient a simple way to have access to the knowledge and experience of two therapists. It also gives the opportunity for continuity in the treatment, even in the absence of one therapist. On the one hand, for both therapists, co-therapy gives the possibility to improve quickly their techniques and therapeutics interventions qualities as well. Working with a co-therapist is also a way to share difficulties and prevent burnout. On the other hand, cotherapy is more complex in terms of schedule management. In some organisations the barriers can be harder to overcome to get to the benefits.
The goal of this article is to present a point of view of the co-therapy as a practice in a treatment based on the somatosensory rehabilitation of pain.
Keywords: Co-therapy, somatosensory rehabilitation of pain, benefit, obstacle.
INTRODUCTION
La co-thérapie est un mode d’organisation du travail très répandu. Cette pratique professionnelle prend tout son sens dans le Centre de rééducation sensitive du corps humain (Fribourg, Suisse) où elle a été initialement utilisée.
Mais en quoi consiste t-elle ?
Cette pratique donne la possibilité à deux co-thérapeutes – et non plus à un seul – d’aider et d’œuvrer sur le même patient. Pour y parvenir, ces derniers partagent donc le même plan d’intervention et la même approche thérapeutique dans un suivi : « alterné ». Une même façon d’agir qui permet aux co-thérapeutes de construire un dossier unique pour chaque patient, inscrivant tour à tour les informations relatives au suivi du traitement telles que l’entrée en matière, les données médicales, les dimensions physiques, les dimensions perceptivocognitives, les dimensions spirituelle et affective, l’environnement, l’analyse ou encore le plan d’intervention (Létourneau, 2013). Une communication importante ainsi qu’une attitude et un mode de travail identiques de la part des deux thérapeutes donnent donc lieu à un seul et même dossier. Cette unité qui limite la perte d’informations essentielles, bénéficie pleinement à la thérapie.
Ce mode d’organisation du travail, plus généralement présenté en psychothérapie (Couette & Forzu-Cahour, 2006), se répand de plus en plus dans les secteurs sanitaires ou médico-sociaux, avec différentes alliances thérapeutiques possibles (Berlot et al., 2008). Depuis quelques années, d’autres centres initient cette pratique, comme le centre de rééducation pédiatrique Romans Ferrari (Miribel, France).
Les co-thérapeutes oeuvrent dans le même environnement physique et se portent garants du cadre thérapeutique. Ils ont chacun la responsabilité de la prescription du traitement approprié ainsi que du dossier comprenant les rapports de suivi à adresser aux médecins prescripteurs et aux autres intervenants libéraux.
A présent, portons notre attention sur les avantages et les inconvénients de la cothérapie pour les patients et pour les thérapeutes.
AVANTAGES
Lorsque le patient arrive dans le centre de rééducation sensitive, son dossier est directement pris en charge. Au fil des séances, de nombreux contrôles et évaluations sont faits pour observer l’évolution du traitement ainsi que pour offrir une certaine adaptation si nécessaire. Ces évaluations, basées sur un principe descriptif de la douleur et des sensations ressenties, permettent également aux patients de voir leurs propres évolutions, de leur donner une confiance, grandissante au fil des jours. A cela vient s’ajouter le lien entre les thérapeutes et le patient. Ce dernier témoigne de l’évolution et de la cohésion qui règnent entre médecins et patients. Cette relation qui évolue de jour en jour est un enrichissement mutuel. En effet, les thérapeutes apprennent énormément des personnes qu’ils soignent : ils comprennent de mieux en mieux les ressentis et la douleur que les patients peuvent éprouver. Ils développent leurs pédagogies et en font bénéficier leurs patients en devenir. C’est un voyage, une relation spéciale qui nous appartient à nous seuls. Il est vrai que pour parvenir à une fin ensoleillée dans ce parcours au centre de rééducation sensitive, une des clés est de se livrer, d’accorder une certaine confiance pour pouvoir avancer. Établir cette confiance et une certaine communication permet aux thérapeutes d’être guidés dans la manière d’aider à guérir le patient. Si ce dernier est plus à l’aise à s’exprimer et donne une confiance aveugle, le fait de devoir se livrer à deux thérapeutes ne sera pas un problème, au contraire.
Le premier avantage visible, tant pour un·e co-thérapeute novice que pour un·e plus expérimenté·e, est le support constant de son co-thérapeute. La co-thérapie favorise, pour les professionnels impliqués, la discussion continue et l’intervision (supervision entre les pairs), optimisant ainsi les qualités thérapeutiques de chacun, tant au niveau du perfectionnement de la pratique quotidienne que dans l’établissement et la gestion du lien thérapeutique avec le patient. Le processus thérapeutique n’est pas figé ; il progresse, se corrige et peut à tout moment se remettre en question.
La co-thérapie permet un enrichissement mutuel du travail. Elle offre l’accès à l’expérience, aux habiletés techniques et à la créativité de deux professionnels pour un patient donné, ce qui décuple les options thérapeutiques (Bowers et al., 1981). Les deux rééducateurs sensitifs de la douleur, certifiés ou non, peuvent être de métiers distincts et complémentaires (ergothérapeute ou kinésithérapeute[1]). Dans ces exemples particuliers, ceci peut être un atout supplémentaire pour une approche globale de la situation, une anamnèse enrichie et une optimisation des compensations et adaptations de l’environnement de vie quotidienne du patient.
La co-thérapie permet aussi l’accès à un autre point de vue sur la situation d’un patient donné, avec des biais perceptuels et émotionnels différents selon le thérapeute en place. Elle permet de prévenir le surmenage (Roller & Nelson, 1991). En effet, soigner les douleurs neuropathiques exige souvent de dépasser le plan biologique et purement fonctionnel. D’autres dimensions sont susceptibles d’émerger, au milieu des sensibilités exacerbées de certains patients ; le thérapeute n’est plus seul face à la complexité et subtilité des maladies qui touchent le patient, face à un défi thérapeutique qui peut le dépasser, voire l’épuiser. La présence du co-thérapeute modifie la dynamique relationnelle avec le patient et facilite la gestion des possibles transferts ou contre-transferts (Roller & Nelson, 1991).
« Il doit également s’interroger sur ce que cette douleur lui fait, à lui, médecin, quand il la voit s’exprimer. Et percevoir dans la sensation de terreur ou de désespoir que le patient lui communique, quels sentiments, quelles émotions il doit aussi apaiser. » (Zaffran, 2010)
De même, les comportements psychopathologiques d’origine neurogène des patients -possibles et plus ou moins probables suivant la gravité de l’atteinte, de la douleur et de la souffrance entraînée, la situation personnelle, sociale, les ressources spirituelles de chacun- sont ainsi plus facilement appréhendés et gérés par le binôme de thérapeutes.
Mielle-Jacob et Chevalier (2017) évoquent le schéma conceptuel référentiel opérationnel partagé dans le cadre d’une co-thérapie, où chaque thérapeute s’appuie sur son propre schéma et le partage avec celui de son co-thérapeute. Travailler en co-thérapie nécessite une adaptation réciproque qui agit comme une véritable alchimie entre les professionnels. Cela permet par ailleurs, d’accepter l’autre co-thérapeute dans sa différence et sa similitude, de reconnaitre son altérité et de la respecter (Mielle-Jacob & Chevalier, 2017).
En écho au poème illustré des même auteurs, nous pourrions dire que sur le carrousel de la présence, les deux thérapeutes -différents dans leur similitudeoccuperont leur place chacun leur tour au creux d’un mouvement ascendant ; leur art consistera aussi à s’éclipser délicatement pour céder la place à l’autre. Inévitablement, ils se croiseront pour parler de l’entrée dans la danse de leur patient. Sur la plateforme tournante des centres où se pratique la co-thérapie, le patient entre dans le mouvement thérapeutique, une fois en compagnie du cheval, la suivante aux côtés de la licorne ; l’élan transmis lui permettra de décrocher le pompon.
La co-thérapie permet enfin une continuité de suivi, dans le traitement et les bilans, plus efficace en l’absence inévitable (congé, formation continue, maladie, etc.) d’un des co-thérapeutes. L’interruption du traitement -éventuelle source de détresse pour un patient sévérement affecté par la douleur- est dès lors évitée. Ponctuellement, au cours du suivi, des séances d’évaluation peuvent s’organiser à trois, avec le patient et les deux co-thérapeutes. Ceci peut se mettre en place au moment des changements de technique, par exemple, lors du passage de la contrestimulation vibrotactile à distance à la rééducation de l’hyposensibilité sousjacente.
Le mode de fonctionnement de la co-thérapie alternée présente des avantages, pour les patients comme pour les co-thérapeutes (Tableau I).
INCONVÉNIENTS
Chaque thérapie est différente. C’est un voyage, une relation particulière qui vous appartient à vous seuls. Certains, peut-être plus timides ou pudiques auront sûrement plus de mal à établir un lien de confiance d’une part avec un·e thérapeute, mais surtout avec deux. Chaque personne est différente et chaque réaction est légitime. Les thérapeutes que j’ai pu côtoyer ont toujours su mettre à l’aise les patients tout comme leurs collègues. L’ambiance rassurante et chaleureuse qu’ils instaurent ne peut qu’être bénéfique. Certes, le fait que les informations personnelles des patients ne soient pas seulement réparties entre deux thérapeutes, mais partagées (car chaque thérapeute porte un intérêt à chaque dossier dans son intégralité) peut provoquer quelques doutes quant à la perte d’informations du patient dans le dossier, mais si les thérapeutes sont organisés et vous le font ressentir, il n’y a pas de soucis à se faire. Comme cité plus haut dans ce paragraphe, chaque thérapie, patient ou encore ressenti est différent ; le plus important étant que vous, la patiente, en soyez le personnage principal et la thérapeute votre binôme.
D’une part, les patients doivent créer une relation de confiance avec deux personnes au lieu d’une seule. S’engager dans une thérapie telle que la rééducation sensitive exige de tisser un lien solide, sur la base d’une communication transparente. Pour ce faire, il se peut que le patient soit plus à l’aise avec l’un des deux thérapeutes. D’autre part, même si le dossier est tenu rigoureusement, le patient peut avoir l’impression que certaines informations échappent à l’un ou l’autre des co-thérapeutes. En effet, une des deux façons de rendre compréhensibles les aspects paradoxaux, étranges et extrêmes liés aux douleurs neuropathiques, lui conviendra davantage et alimentera sa persévérence ; telle ou telle explication, exercice, image, analogie, aphorisme, texte proposé par l’un des co-thérapeutes entrera en résonnance avec sa vision du monde. Au cas échéant, ces informations devront être partagées entre collègues afin de tendre vers une véritable relation entre les trois co-équipières : « The sensory re-education and re-learning is usually a long process and the patient needs contructive feedback along the way to keep up motivation for a training that has several abstract elements. » (Rosén, 2008)
Pour les co-thérapeutes, cela implique au niveau organisationnel, une gestion commune des horaires un peu plus complexe, tout en s’assurant de pouvoir se rencontrer pour échanger au besoin autour des difficultés et des potentiels de leur patient. Pour limiter le nombre de telles mises au point, et ne pas surcharger leur emploi du temps, la rigueur dans la tenue du dossier doit être optimale. Aussi, la relation entre les co-thérapeutes doit être égalitaire ; chacun doit avoir suffisamment confiance en ses capacités professionnelles pour exprimer un désaccord ou un point de vue différent sur la thérapie en cours, le tout pour le bénéfice du patient et la réussite de la co-thérapie. Le choix du co-thérapeute est donc important, car « une similarité trop importante ne proposera aucun bénéfice découlant de la co-thérapie et une trop grande différence pourrait mener à des conflits et de la confusion chez le patient. » (Roller & Nelson, 1991)
Le mode de fonctionnement de la co-thérapie alternée présente aussi des inconvénients, pour les patients comme pour les co-thérapeutes (Tableau II).
CONCLUSION
La co-thérapie alternée est un mode de fonctionnement qui s’adapte bien à la méthode de rééducation sensitive de la douleur et qui présente une multitude d’avantages à la fois pour les thérapeutes et pour les patients ; en permettant un mouvement, un élan, un devenir (Fig. 1). Toutefois, certaines limites des ressources organisationnelles et humaines peuvent être un frein à sa mise en place.
[1] Ancienne soignée, autrice et lycéenne, Fribourg (Suisse). e-mail : ahigalice@gmail.com
[2] Soignée, formatrice d’adultes en FLE (Français Langue Etrangère) / relecture, révision et réécriture de textes ; Calle San Luis 14, 18010 Granada (Espagne)
[3] Ergothérapeute DE, RSDC® Rééducatrice Sensitive de la Douleur Certifiée, Centre Médical de Rééducation Pédiatrique (CMRP) Romans Ferrari ; Rue de La Chanal ; BP 10118 ; F-01701 Miribel cedex (France)
[4] BSc erg., M Réad., RSDC®, Réadaptation Beauce Appalaches ; 602 Boulevard Renault, G5X 1M9 Beauceville, (Qc, Canada).
[1] La masso-kinésithérapie est une profession française qui s’apparente à la physiothérapie.
RÉFÉRENCES
• Berlot, V., Callet, C., Moreau, É., Parreiral, R. & Pascual-Bouys, O. (2008). Kinésithérapie et psychomotricité : une alliance fructueuse ? Contraste, 28-29(1-2), 219-236. Téléchargeable : (21/07/2021) https://doi.org/10.3917/cont.028.0219
• Bowers, W.A. & Gauron, E.F. (1981). Potential hazards of the co-therapy relationship. Psychotherapy: Theory, Research & Practice, 18(2), 225-228.
• Couette, S. & Forzu-Cahour, B. (2006). Heurts et bonheurs de la cothérapie. Le Journal des psychologues, 2(235), 70-73.
• Létourneau, E. (2013). Rapport d’évaluation initiale en ergothérapie selon le modèle canadien du rendement occupationnel. e-News for Somatosensory Rehab, 10(4), 185-188. Téléchargeable : (21/07/2021) http://www.neuropain.ch/sites/default/files/e-news/le-news_104_1.pdf#page=32
• Mielle-Jacob, S. & Chevalier, V. (2017). Quand le cheval et la licorne s’unissent pour travailler ensemble. Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux, 58(1), 159-170. Téléchargeable : (21/07/2021) https://www.cairn.info/revue-cahiers-critiques-de-therapie-familiale-2017-1-page-159.htm
• Roller, B. & Nelson, V. (1991). The Art of Co-therapy: How Therapists Work Together. New York: Guilford Press.
• Rosén, B. (2008). GUESTEDITORIAL Outcome after nerve repair: Assessment and evidence-based practice. e-News Somatosens Rehab, 5(4), 127-130. Téléchargeable : (21/07/2021) http://www.neuropain.ch/sites/default/files/e-news/e-news_54_1.pdf#page=2
• Zaffran, M. / Winckler, M. (2010). GUESTEDITORIAL La première arme contre la douleur. e-News Somatosens Rehab 7(3), 119-122. Téléchargeable : (21/07/2021) http://www.neuropain.ch/sites/default/files/e-news/e-news_73_0.pdf#page=2
Trois co-équipières pour une co-thérapie altérnée : avantages et inconvénients (3/4)
[Citation] : Murray, E., Bernardon, L. & Létourneau, É. (2021) ÉBAUCHE DE SYNTHÈSE Trois co-équipières pour une co-thérapie alternée : avantages et inconvénients. Somatosens Pain Rehab, 18(2), 47-53.
MURRAY, E.[1]., BERNARDON, L.[2] & LéTOURNEAU, E.[3]
Abstract
Co-therapy in a rehabilitation environment using the somatosensory rehabilitation of pain method presents plenty of advantages with a few disadvantages both for the professionals and the patient. That form of co-therapy can be described as two therapists sharing the same therapeutics goals and approach with a single patient, but seeing him in alternate weeks.
Co-therapy is for the patient a simple way to have access to the knowledge and experience of two therapists. It also gives the opportunity for continuity in the treatment, even in the absence of one therapist. On the one hand, for both therapists, co-therapy gives the possibility to improve quickly their techniques and therapeutics interventions qualities as well. Working with a co-therapist is also a way to share difficulties and prevent burnout. On the other hand, co-therapy is more complex in terms of schedule management. In some organisations the barriers can be harder to overcome to get to the benefits.
The goal of this article is to present a point of view of the co-therapy as a practice in a treatment based on the somatosensory rehabilitation of pain.
Keywords: Co-therapy, somatosensory rehabilitation of pain, benefit, obstacle.
Introduction
La pratique professionnelle en co-thérapie alternée est un mode d’organisation du travail plus souvent présenté en psychothérapie (Couette & Forzu-Cahour, 2006), que l’on retrouve de plus en plus dans les secteurs sanitaires ou médico-sociaux, avec différentes alliances thérapeutiques possibles (Berlot et al., 2008).
La définition de la co-thérapie telle qu’utilisée ici est celle comprenant deux thérapeutes partageant le même plan d’intervention et la même approche thérapeutique en suivi alterné auprès d’un·e même patient·e. Ce mode d’organisation des services professionnels, utilisé initialement au Centre de rééducation sensitive du corps humain (Fribourg, Suisse), se présente donc sous la forme d’une dyade de thérapeutes œuvrant dans le même environnement physique. D’autres centres initient depuis quelques années cette pratique, comme le centre de rééducation pédiatrique Romans Ferrari (Miribel, France). La co-thérapie comprend l’utilisation d’un dossier unique du patient au sein duquel les deux co-thérapeutes inscrivent tour à tour les informations pertinentes relatives au suivi du traitement ; entrée en matière, données médicales, dimension physique, dimension perceptivo-cognitive, dimension spirituelle et affective, domaines, environnement, analyse, plan d’intervention (Letourneau, 2013).
Chaque co-thérapeute est garant du cadre thérapeutique. Il est aussi pleinement responsable du traitement prescrit et des rapports de suivi écrits à adresser aux médecins prescripteurs et aux autres intervenants libéraux.
Portons notre attention sur les avantages et les inconvénients de la co-thérapie pour les patients et pour les thérapeutes (Tableau I).
Avantages
Le premier avantage visible, tant pour un·e co-thérapeute novice que pour un·e plus expérimenté·e, est le support constant de son co-thérapeute. La co-thérapie favorise, pour les professionnels impliqués, la discussion continue et l’intervision (supervision entre les pairs), optimisant ainsi les qualités thérapeutiques de chacun, tant au niveau du perfectionnement de la pratique quotidienne que dans l’établissement et la gestion du lien thérapeutique avec le patient. Le processus thérapeutique n’est pas figé ; il progresse, se corrige et peut à tout moment se remettre en question.
La co-thérapie permet un enrichissement mutuel du travail. Elle offre l’accès à l’expérience, aux habiletés techniques et à la créativité de deux professionnels pour un patient donné, ce qui décuple les options thérapeutiques (Bowers et al., 1981). Les deux rééducateurs sensitifs de la douleur, certifiés ou non, peuvent être de métiers distincts et complémentaires (ergothérapeute ou kinésithérapeute[1]). Dans ces exemples particuliers, ceci peut être un atout supplémentaire pour une approche globale de la situation, une anamnèse enrichie et une optimisation des compensations et adaptations de l’environnement de vie quotidienne du patient.
La co-thérapie permet aussi l’accès à un autre point de vue sur la situation d’un patient donné, avec des biais perceptuels et émotionnels différents selon le thérapeute en place. Elle permet de prévenir le surmenage (Roller & Nelson, 1991). En effet, soigner les douleurs neuropathiques exige souvent de dépasser le plan biologique et purement fonctionnel. D’autres dimensions sont susceptibles d’émerger, au milieu des sensibilités exacerbées de certains patients ; le thérapeute n’est plus seul face à la complexité et subtilité des maladies qui touchent le patient, face à un défi thérapeutique qui peut le dépasser, voire l’épuiser. La présence du co-thérapeute modifie la dynamique relationnelle avec le patient et facilite la gestion des possibles transferts ou contre-transferts (Roller & Nelson, 1991).
« Il doit également s’interroger sur ce que cette douleur lui fait, à lui, médecin, quand il la voit s’exprimer. Et percevoir dans la sensation de terreur ou de désespoir que le patient lui communique, quels sentiments, quelles émotions il doit aussi apaiser. » (Zaffran, 2010)
De même, les comportements psychopathologiques d’origine neurogène des patients -possibles et plus ou moins probables suivant la gravité de l’atteinte, de la douleur et de la souffrance entraînée, la situation personnelle, sociale, les ressources spirituelles de chacun- sont ainsi plus facilement appréhendés et gérés par le binôme de thérapeutes.
Mielle-Jacob et Chevalier (2017) évoquent le schéma conceptuel référentiel opérationnel partagé dans le cadre d’une co-thérapie, où chaque thérapeute s’appuie sur son propre schéma et le partage avec celui de son co-thérapeute. Travailler en co-thérapie nécessite une adaptation réciproque qui agit comme une véritable alchimie entre les professionnels. Cela permet par ailleurs, d’accepter l’autre co-thérapeute dans sa différence et sa similitude, de reconnaitre son altérité et de la respecter (Mielle-Jacob & Chevalier, 2017).
En écho au poème illustré des même auteurs, nous pourrions dire que sur le carrousel de la présence, les deux thérapeutes -différents dans leur similitude- occuperont leur place chacun leur tour au creux d’un mouvement ascendant ; leur art consistera aussi à s’éclipser délicatement pour céder la place à l’autre. Inévitablement, ils se croiseront pour parler de l’entrée dans la danse de leur patient. Sur la plateforme tournante des centres où se pratique la co-thérapie, le patient entre dans le mouvement thérapeutique, une fois en compagnie du cheval, la suivante aux côtés de la licorne ; l’élan transmis lui permettra de décrocher le pompon.
La co-thérapie permet enfin une continuité de suivi, dans le traitement et les bilans, plus efficace en l’absence inévitable (congé, formation continue, maladie, etc.) d’un des co-thérapeutes. L’interruption du traitement -éventuelle source de détresse pour un patient sévérement affecté par la douleur- est dès lors évitée. Ponctuellement, au cours du suivi, des séances d’évaluation peuvent s’organiser à trois, avec le patient et les deux co-thérapeutes. Ceci peut se mettre en place au moment des changements de technique, par exemple, lors du passage de la contre-stimulation vibrotactile à distance à la rééducation de l’hyposensibilité sous-jacente.
Inconvénients
Le mode de fonctionnement de la co-thérapie alternée présente aussi des inconvénients, pour les patients comme pour les co-thérapeutes (Tableau I).
D’une part, les patients doivent créer une relation de confiance avec deux personnes au lieu d’une seule. S’engager dans une thérapie telle que la rééducation sensitive exige de tisser un lien solide, sur la base d’une communication transparente. Pour ce faire, il se peut que le patient soit plus à l’aise avec l’un des deux thérapeutes. D’autre part, même si le dossier est tenu rigoureusement, le patient peut avoir l’impression que certaines informations échappent à l’un ou l’autre des co-thérapeutes. En effet, une des deux façons de rendre compréhensibles les aspects paradoxaux, étranges et extrêmes liés aux douleurs neuropathiques, lui conviendra davantage et alimentera sa persévérence ; telle ou telle explication, exercice, image, analogie, aphorisme, texte proposé par l’un des co-thérapeutes entrera en résonnance avec sa vision du monde. Au cas échéant, ces informations devront être partagées entre collègues afin de tendre vers une véritable relation entre les trois co-équipières : « The sensory re-education and re-learning is usually a long process and the patient needs contructive feedback along the way to keep up motivation for a training that has several abstract elements. » (Rosén, 2008)
Pour les co-thérapeutes, cela implique au niveau organisationnel, une gestion commune des horaires un peu plus complexe, tout en s’assurant de pouvoir se rencontrer pour échanger au besoin autour des difficultés et des potentiels de leur patient. Pour limiter le nombre de telles mises au point, et ne pas surcharger leur emploi du temps, la rigueur dans la tenue du dossier doit être optimale. Aussi, la relation entre les co-thérapeutes doit être égalitaire ; chacun doit avoir suffisamment confiance en ses capacités professionnelles pour exprimer un désaccord ou un point de vue différent sur la thérapie en cours, le tout pour le bénéfice du patient et la réussite de la co-thérapie. Le choix du co-thérapeute est donc important, car « une similarité trop importante ne proposera aucun bénéfice découlant de la co-thérapie et une trop grande différence pourrait mener à des conflits et de la confusion chez le patient. » (Roller & Nelson, 1991)
Conclusion
La co-thérapie alternée est un mode de fonctionnement qui s’adapte bien à la méthode de rééducation sensitive de la douleur et qui présente une multitude d’avantages à la fois pour les thérapeutes et pour les patients. Toutefois, certaines limites des ressources organisationnelles et humaines peuvent être un frein à sa mise en place.
Références bibliographiques
Berlot, V., Callet, C., Moreau, É., Parreiral, R. & Pascual-Bouys, O. (2008). Kinésithérapie et psychomotricité : une alliance fructueuse ? Contraste, 28-29(1-2), 219-236. Téléchargeable : (21/04/2021) https://doi.org/10.3917/cont.028.0219
Bowers, W.A. & Gauron, E.F. (1981). Potential hazards of the co-therapy relationship. Psychotherapy: Theory, Research & Practice, 18(2), 225-228.
Couette, S. & Forzu-Cahour, B. (2006). Heurts et bonheurs de la cothérapie. Le Journal des psychologues, 2(235), 70-73.
Létourneau, E. (2013). Rapport d’évaluation initiale en ergothérapie selon le modèle canadien du rendement occupationnel. e-News for Somatosensory Rehab, 10(4), 185-188. Téléchargeable : (21/04/2021) www.neuropain.ch
Mielle-Jacob, S. & Chevalier, V. (2017). Quand le cheval et la licorne s’unissent pour travailler ensemble. Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux, 58(1), 159-170. Téléchargeable : (21/04/2021) https://doi.org/
Roller, B. & Nelson, V. (1991). The Art of Co-therapy: How Therapists Work Together. New York: Guilford Press.
Rosén, B. (2008). GUESTEDITORIAL Outcome after nerve repair: Assessment and evidence-based practice. e-News Somatosens Rehab, 5(4), 127-130. Téléchargeable : (21/04/2021) www.neuropain.ch
Zaffran, M. / Winckler, M. (2010). GUESTEDITORIAL La première arme contre la douleur. e-News Somatosens Rehab 7(3), 119-122. Téléchargeable : (21/04/2021) www.neuropain.ch
[1] Soignée formatrice d’adultes en FLE (Français Langue Etrangère) / relecture, révision et réécriture de textes ; Calle San Luis 14, 18010 Granada (Espagne) e-mail : estelle.murraycv@gmail.com
[2] Ergothérapeute DE, RSDC® Rééducatrice Sensitive de la Douleur Certifiée, Centre Médical de Rééducation Pédiatrique (CMRP) Romans Ferrari ; Rue de La Chanal ; BP 10118 ; F-01701 Miribel cedex (France)
[3] BSc erg., M Réad., RSDC®, Dextérité – Clinique de la main et readaptation ; 815, boulevard Lebourgneuf, local 102, Québec G2J OC1 (Canada)
[1] La masso-kinésithérapie est une profession française qui s’apparente à la physiothérapie.
Co-thérapie altérnée : avantages et inconvénients (2/4)
[Citation] : Bernardon, L, Létourneau, E,. (2021). Ebauche de synthèse Co-thérapie alternée : Avantage et inconvénients. 67th somatosens Pain Rehab, 18(1), 13-17.
BERNARDON, L.[1] & LÉTOURNEAU, E.[2]
Abstract
Co-therapy in a rehabilitation environment using the somatosensory rehabilitation of pain method presents plenty of advantages with a few disadvantages for the professionals and the patient as well. That form of co-therapy can be described as two therapists sharing the same therapeutics goals and approach with a single patient, but seeing him alternatively from one week to the other.
Co-therapy is a simple way to have access to the knowledge and experience of two therapists for the patient. It also gives the opportunity for continuity in the treatment, even in the absence of one therapist. For both therapists, co-therapy gives the possibility to improve quickly their techniques and therapeutics interventions qualities as well. Having a co-therapist is also a way to share difficulties and prevent burnout. On the other hand, co-therapy is more complex in terms of schedule management. In some organisations the barriers can be harder to overcome to get to the benefits.
The goal of this article is to present a point of view of the co-therapy as a practice in a treatment based on the somatosensory rehabilitation of pain.
Keywords: Co-therapy, somatosensory rehabilitation of pain, benefit, obstacle.
Introduction
La pratique professionnelle en co-thérapie est un mode d’organisation du travail plus souvent présenté en psychothérapie (Couette & Forzu-Cahour, 2006), que l’on retrouve de plus en plus dans les secteurs sanitaires ou médico-sociaux, avec différentes alliances thérapeutiques possibles (Berlot et al., 2008).
La définition de la co-thérapie telle qu’utilisée ici est celle comprenant deux thérapeutes partageant le même plan d’intervention et la même approche thérapeutique en suivi alterné auprès d’un même patient. Ce mode d’organisation des services professionnels, utilisé initialement au Centre de rééducation sensitive du corps humain (Fribourg, Suisse), se présente donc sous la forme d’une dyade de thérapeutes œuvrant dans le même environnement physique. D’autres centres initient depuis quelques années cette pratique, comme le centre de rééducation pédiatrique Romans Ferrari (Miribel, France). La co-thérapie comprend l’utilisation d’un dossier unique du patient au sein duquel les deux co-thérapeutes inscrivent tour à tour les informations pertinentes relatives au suivi du traitement.
Chaque co-thérapeute est garant du cadre thérapeutique. Il est aussi pleinement responsable du traitement prescrit et des rapports de suivi écrits à adresser aux médecins prescripteurs et aux autres intervenants libéraux.
Avantages
La co-thérapie présente des avantages pour les patients et pour les thérapeutes (Tableau I).
La co-thérapie permet un enrichissement mutuel du travail. Elle offre l’accès à l’expérience, aux habiletés techniques et à la créativité de deux professionnels pour un patient donné, ce qui décuple les options thérapeutiques (Bowers et al., 1981).
La co-thérapie permet aussi l’accès à un autre point de vue sur la situation d’un patient donné, avec des biais perceptuels et émotionnels différents selon le thérapeute en place. Elle permet de prévenir le surmenage (Roller & Nelson, 1991). La présence du co-thérapeute modifie la dynamique relationnelle avec le patient et facilite la gestion des possibles transferts ou contre-transferts (Roller & Nelson, 1991).
Les deux rééducateurs sensitifs de la douleur, certifiés ou non, peuvent être de métiers distincts et complémentaires (ergothérapeute ou kinésithérapeute[1]). Dans ces exemples particuliers, ceci peut être un atout supplémentaire avec une approche globale de la situation, une anamnèse enrichie et une optimisation des compensations et adaptations de l’environnement de vie quotidienne du patient. Ponctuellement, au cours du suivi, des séances d’évaluation peuvent s’organiser à trois, avec le patient et les deux co-thérapeutes. Ceci peut se mettre en place au moment des changements de technique, par exemple lors du passage de l’allodynie à l’hypoesthésie tactile sous-jacente.
Mielle-Jacob et Chevalier (2017) évoquent le schéma conceptuel référentiel opérationnel partagé dans le cadre d’une co-thérapie, où chaque thérapeute s’appuie sur son propre schéma et le partage avec celui de son co-thérapeute. Travailler en co-thérapie nécessite une adaptation réciproque qui agit comme une véritable alchimie entre les professionnels. Cela permet par ailleurs, d’accepter l’autre co-thérapeute dans sa différence et sa similitude, de reconnaitre son altérité et de la respecter (Mielle-Jacob & Chevalier, 2017).
La co-thérapie permet également une continuité de suivi, dans le traitement et les bilans, plus efficace en l’absence inévitable (congé, formation continue, maladie, etc.) d’un des co-thérapeutes. Le patient bénéficie à la fois de la complémentarité des deux co-thérapeutes et de la poursuite de son traitement avec un de ses deux référents.
Inconvénients
Ce mode de fonctionnement a aussi ses inconvénients, pour les patients comme pour les co-thérapeutes (Tableau I).
Pour les patients, il faut créer une relation de confiance avec deux personnes au lieu d’une seule. Le patient peut avoir l’impression que certaines informations échappent à l’un ou l’autre des co-thérapeutes.
Pour les co-thérapeutes, cela demande, au niveau organisationnel, une gestion commune des horaires un peu plus complexe, tout en s’assurant de pouvoir se rencontrer pour échanger au besoin. La rigueur dans la tenue du dossier doit être optimale. Aussi, la relation entre les co-thérapeutes doit être égalitaire ou chacun doit avoir suffisamment confiance en ses capacités professionnelles pour exprimer un désaccord ou un point de vue différent face à la thérapie en cours, le tout pour le bénéfice du patient et la réussite de la co-thérapie. Le choix du co-thérapeute est donc important, car « une similarité trop importante ne proposera aucun bénéfice découlant de la co-thérapie et une trop grande différence pourrait mener à des conflits et de la confusion chez le patient. » (Roller & Nelson, 1991).
Conclusion
La co-thérapie est un mode de fonctionnement qui s’adapte bien à la méthode de rééducation sensitive de la douleur et qui présente une multitude d’avantages à la fois pour les thérapeutes et pour les patients. Toutefois, certaines limites des ressources organisationnelles et humaines peuvent être un frein à sa mise en place.
Références bibliographiques
Berlot, V., Callet, C., Moreau, É., Parreiral, R. & Pascual-Bouys, O. (2008). Kinésithérapie et psychomotricité : une alliance fructueuse ?. Contraste, 28-29(1-2), 219-236. Téléchargeable : (25/02/2021) https://doi.org/10.3917/cont.028.0219
Bowers, W.A. & Gauron, E.F. (1981). Potential hazards of the co-therapy relationship. Psychotherapy: Theory, Research & Practice, 18(2), 225-228.
Couette, S. & Forzu-Cahour, B. (2006). Heurts et bonheurs de la cothérapie. Le Journal des psychologues, 2(235), 70-73.
Mielle-Jacob, S. & Chevalier, V. (2017). Quand le cheval et la licorne s’unissent pour travailler ensemble. Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux, 58(1), 159-170. Téléchargeable : (25/02/2021) https://doi.org/
Roller, B. & Nelson, V. (1991). The Art of Co-therapy: How Therapists Work Together. New York: Guilford Press.
[1] La masso-kinésithérapie est une profession française qui s’apparente à la physiothérapie.
[1] Ergothérapeute DE, RSDC® Rééducatrice Sensitive de la Douleur Certifiée, Centre Médical de Rééducation Pédiatrique (CMRP) Romans Ferrari ; Rue de La Chanal ; BP 10118 ; F-01701 Miribel cedex (France) e-mail : laurence.bernardon@romansferrari.fr
[2] BSc erg., M Réad., RSDC®, Dextérité – Clinique de la main et readaptation ; 815, boulevard Lebourgneuf, local 102, Québec G2J OC1 (Canada)
Co-thérapie : avantages et désavantages (1/4)
[Citation] : Létourneau, E. (2013). Co-thérapie : avantages et désavantages. e-News Somatosens Rehab, 10(4), 166-169.
Eva LETOURNEAU, RSDC®, BSc erg.[1]
ABSTRACT
The utilisation of co-therapy is not common in rehabilitation, but it presents a multitude of advantages for the professionals and the clients as well. The co-therapy used at the Sensory Rehabilitation Center can be described as two therapist sharing the same therapeutics goals and approach with a single patient, seeing him alternatively from one week to the other.
Co-therapy is a simple way to have access to the knowledge and experience of two therapists for the patient. It also gives the opportunity to make continuity in the treatment, even in the absence of one therapist. For the co-therapists, co-therapy gives the possibility to improve quickly their technique and therapeutics interventions qualities as well. Having a co-therapist is also a way to share difficulties and prevent burnout. On the other hand, co-therapy is more complex in terms of schedule organisation. The skills and efforts made to have a positive experience in co-therapy are also obstacles that need to be told.
The goal of this article is to present a personal point of view of the co-therapy as a practice in a treatment based on the somatosensory rehabilitation of pain.
Keywords: Co-therapy, somatosensory rehabilitation of pain.
INTRODUCTION
La pratique professionnelle en co-thérapie est un mode d’organisation du travail peu fréquemment rencontré en réadaptation, mais souvent présentée en psychothérapie (Couette & Forzu-Cahour, 2006). La définition de la co-thérapie telle qu’utilisée ici est celle comprenant deux thérapeutes partageant le même plan d’intervention et la même approche thérapeutique en suivi alterné auprès d’un même patient. Ce mode d’organisation des services professionnels utilisé au Centre de rééducation sensitive du corps humain (Fribourg, Suisse) se présente donc sous la forme d’une dyade de thérapeutes œuvrant dans le même environnement physique. La co-thérapie comprend l’utilisation d’un dossier unique du patient au sein duquel les deux co-thérapeutes inscrivent tour à tour les informations pertinentes relatives au suivi de leurs interventions. L’entière responsabilité du traitement incombe toutefois aux deux thérapeutes, tout comme les démarches administratives (voir annexe).
AVANTAGES
Le premier avantage visible au co-thérapeute novice comme à l’expérimenté est l’accès à un support constant de son co-thérapeute. Pour moi, la co-thérapie favorise pour les professionnels impliqués la discussion continue et l’intervision (supervision entre les pairs). Elle optimise ainsi les qualités de thérapeutiques, tant au niveau du perfectionnement de la pratique quotidienne que dans l’établissement et la gestion du lien thérapeutique avec le patient. La co-thérapie permet ainsi un enrichissement mutuel du travail. Elle offre l’accès à l’expérience, les habiletés techniques et à la créativité de deux professionnels pour un patient donné, ce qui décuple les options thérapeutiques (Bowers et al., 1981).
Selon mon expérience, la co-thérapie permet aussi l’accès à un autre point de vue sur la situation d’un patient donné, avec des biais perceptuels et émotionnels différents selon le thérapeute en place. La gestion du lien thérapeutique est facilitée par la présence du co-thérapeute, qui modifie la dynamique relationnelle avec le patient (Roller & Nelson, 1991). La co-thérapie permet aux professionnels de partager la difficulté de certaines interventions complexes et au besoin de confronter deux points de vue différents. Il est aussi plus aisé d’être deux co-thérapeutes pour gérer les éventuels transferts et contre-transferts pouvant survenir dans la relation patient-thérapeute. Bien que le co-thérapeute ne soit pas seul, la responsabilité du traitement lui est tout de même entièrement dédiée ; il reste notamment garant du cadre thérapeutique.
Ce mode d’organisation permet également de prévenir le surmenage selon Roller et Nelson (1991). La co-thérapie permet le partage des réussites comme des échecs, ce qui est un avantage certain selon moi. Les co-thérapeutes peuvent compter l’un sur l’autre au besoin.
Le fait d’être deux permet aussi une continuité de suivi plus efficace en l’absence inévitable (congé, formation continue, maladie, etc.) d’un des co-thérapeutes, le patient ayant toujours une personne qui le connaît bien à qui se référer. Le travail peut ainsi se poursuivre en l’absence de l’un des co-thérapeutes et ainsi diminuer le fardeau du retour suite à une absence de courte durée. Le partage de la responsabilité concernant les rapports de suivi à produire aux autres professionnels et médecins référents est aussi un facteur à considérer pour les co-thérapeutes.
DÉSAVANTAGES
Ce mode de fonctionnement a aussi ses désavantages. D’une part, au niveau organisationnel, cela demande une gestion commune des horaires un peu plus complexe, tout en s’assurant que les co-thérapeutes pourront se rencontrer pour échanger au besoin. D’autre part, la relation entre les co-thérapeutes doit aussi être une relation égalitaire ou tout du moins chacun doit avoir suffisamment confiance en ses capacités professionnelles pour exprimer un désaccord ou un point de vue différent face à la thérapie en cours, le tout pour le bénéfice du patient. Cet aspect n’est pas toujours aisé, tout particulièrement pour un thérapeute novice travaillant avec un thérapeute plus expérimenté. Cela implique également l’ouverture de l’autre co-thérapeute à la réception d’un point de vue différent du sien en respectant l’opinion de l’autre ; ce qui n’est pas toujours facile. En effet, l’effort nécessaire pour établir et entretenir la relation avec le co-thérapeute est un effort supplémentaire à fournir pour une co-thérapie efficace. Le choix du co-thérapeute est donc important, car « une similarité trop importante ne proposera aucun bénéfice découlant de la co-thérapie et une trop grande différence pourrait mener à des conflits et de la confusion chez le patient. » (Roller & Nelson, 1991). Dans une petite équipe, cela peut se faire par la co-optation au moment de l’engagement d’un nouveau collègue (Delaire & Ordronneau, 1989); par opposition, à un engagement imposé par la direction.
CONCLUSION
La co-thérapie est un mode de fonctionnement qui s’adapte bien à la méthode de rééducation sensitive de la douleur, présentant une multitude d’avantages à la fois pour les thérapeutes et les patients. Toutefois certaines limites au niveau des ressources organisationnelles et humaines peuvent être un frein à sa mise en place.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Bowers, W.A. & Gauron, E.F. (1981). Potential hazards of the co-therapy relationship. Psychotherapy: Theory, Research & Practice, 18(2), 225-228.
Couette, S. & Forzu-Cahour, B. (2006). Heurts et bonheurs de la cothérapie. Le Journal des psychologues, 2(235), 70-73.
Delaire, G. & Ordronneau, H. (1989). Enseigner en équipe (Coll. Les guides du métier d’enseignant). Paris: Les éditions d’organisation.
Roller, B. & Nelson, V. (1991). The Art of Co-therapy : How Therapists Work Together. New York: Guilford Press.
[1] Ergothérapeute graduée de l’Université de Montréal (Qc, Canada), Rééducatrice sensitive de la douleur certifiée RSDC®, Centre de rééducation sensitive du corps humain; Clinique Générale; Hans-Geiler, 6; 1700 Fribourg (Suisse). reeducation.sensitive@cliniquegenerale.ch