Évaluation clinique et choix thérapeutique fondés par les données probantes (4/4)

[Citation] : Chaput, E., Pietramaggiori, G., de Andrade Melo Knaut, S. & Spicher, C. (2017). Reverse engineering process Ebauche de synthèse : Evaluation clinique et choix thérapeutique fondés par les données probantes. e-News Somatosens Rehab, 14(2), 55-65.

Giorgio PIETRAMAGGIORI, MD, PhD[1], Sibele DE ANDRADE MELO KNAUT, PhD, pht[2] & Claude SPICHER, OT, swiss HT[3]

Lorsque lors d’un débat, quant à la stratégie thérapeutique à adopter pour un patient, notre interlocuteur vous assène : « De toute façon, j’ai fait ce que je croyais être le mieux ; nous avons tous des échecs et des succès », il se situe au début XXe siècle, AVANT la naissance de la science des statistiques. Croire à l’efficacité d’un traitement est important, utile, voire nécessaire, mais n’offre aucun niveau de preuve quant à son efficacité – ou son inefficacité. « L’existence de Dieu est hors sujet en physique » selon Stephen Hawking.

Les statistiques sont des analyses sur des échantillons - en clinique appelés cohortes series - si possible de 1000 données ; c’est du moins ce qui s’enseignait à la Faculté des sciences en 1980. Les statistiques élémentaires proposent les données extrêmes, par exemple la plus rapide et la plus lente – [min – max]. Ce n’est qu’en 2004, à la Triennale de l’IFSHT[1] à Edinburgh que j’ai découvert cette notion d’étendue range ; il ne m’a pas été facile d’aller demander sa signification : les statisticiens ne comprennent pas que nous sommes des débutants. De même, peu de lecteurs non-initiés savent que l’écart-type SD permet de définir les résultats d’une partie de la cohorte étudiée. ± SD signifie que tous les patients qui ont un résultat compris entre la valeur de la moyenne moins un écart-type et la moyenne plus un écart-type représentent le deux tiers des patients. L’interface entre cliniciens et statisticiens n’est pas facile à trouver. Ainsi, il n’est pas rare d’entendre dans un congrès un clinicien répondre : « Je ne sais pas, c’est un statisticien qui m’a donné ces résultats ». Un résultat est la conséquence logique des études scientifiques qui comparent les traitements et montrent des différences significatives entre eux. En statistique, ces différences doivent avoir moins de 5% de probabilités d’être obtenus par hasard (c’est l’explication du p<0.05 que l’on trouve dans les papiers scientifiques). C’est l’une des raisons pour laquelle, un niveau de preuve est proposé aux cliniciens, résultat d’un travail statistique très élaboré, mais lisible et compréhensible pour ceux-ci.

Les professions des traitements physiques rehabilitation ont fait un grand effort dans le cadre de leur formation pour donner ces compétences à leurs étudiants au bachelor, voire même au master. C’est ainsi que de nouveaux titres apparaissent comme Bsc erg, Bsc physio, bachelier en ergothérapie ou physiothérapie et non seulement le titre d’ergothérapeute ou masso-kinésithérapeute DE. Ce n’est pas parce que ces nouveaux professionnels connaissent ces notions élémentaires que leurs interlocuteurs, formés le siècle passé et qui n’ont pas pris de formation continue sur ce sujet, les comprennent. C’est pour parler un language commun entre tous les protagonistes de la santé des patients que nous devons faire l’effort de comprendre l’importance de l’evidence-based medicine et des statistiques qui permettent de l’obtenir. C’est pourquoi, nous nous permettons ci-après, une tentative d’explication personnelle de ce tableau de niveaux de preuves (image Table I, à la fin).

Prérequis

L’evidence-based medicine (ou médecine factuelle) est définie comme l’utilisation consciencieuse et judicieuse des meilleures données probantes actuelles de la recherche clinique dans la prise en charge personnalisée de chaque patient (Sackett, 1996). Le besoin de se concentrer sur l’evidence-based medicine trouve ses raisons profondes dans le but d’ameliorer la pratique clinique et les résultats obtenus par celle-ci auprès des patients.

Le choix des stratégies de traitement ou de programme de rehabilitation devrait être fait pour répondre aux objectifs clairs et précis établis après un examen minutieux.

Ainsi, avant de publier quoique ce soit, il est nécessaire de collecter des données fiables : valides, fidèles et sensibles. Malheureusement, ces trois critères sont rarement réunis, ce qui offre des arguments aux détracteurs, des statistiques en général, des niveaux de preuves en particulier pour disqualifer ce changement.

Validité : Il s’agit de mesurer ce que vous voulez vraiment mesurer.

Exemple 1 : Il est valide de mesurer la capacité de détection du système neurologique somatosensoriel en mesurant le seuil de perception à la pression.

Contre-exemple 1 : Il n’est PAS valide de mesurer la capacité de détection du système neurologique somatosensoriel avec le test de discrimination de 2 points statiques ; toutefois, il est valide de mesurer la capacité d’identification du système neurologique avec le test de discrimination de 2 points statiques.

Contre-exemple 2 : Il n’est PAS valide de mesurer l’efficacité des emplâtres de lidocaïne (Versatis®, Neurodol®, etc.) en utilisant une échelle visuelle analogique qui mesure à la fois l’impact sur les douleurs neuropathiques spontanées – bloquées en effet par la lidocaïne – et les douleurs neuropathiques provoquées exacerbées par l’emplâtre …

Fidélité signifie reproductibilité : en mesurant la même variable, on obtient le même résultat sur le même sujet.

 

La standardisation des méthodes est requise afin d’en assurer la reproductibilité, sans quoi aucune comparaison de patients ne peut être mise en œuvre. Un instrument fidèle implique qu’il est possible de réaliser une mesure avec une justesse constante à chaque fois qu'on l'emploie auprès d'individus semblables soumis à des conditions équivalentes ou identiques. Ceci présuppose des écrits, mais aussi un enseignement par des formateurs, une expertise des acquis.

Exemple 1 : La fiabilité du diapason de 128 Hz pour détecter la durée de la perception vibratoire est prouvée, ce qui permet d’identifier la dégenération des axones après une lésion nerveuse périphérique, mais aussi la régénération axonale suite à un traitement. 

Exemple 2 : La standardisation du signe distal de régénération (T++ tingling sign  ≡ vrai signe de Tinel) a permis de suivre fidèlement la régénération des axones.

Sensibilité et spécificité : Les signes d’examen clinique sont soit positifs, soit négatifs. Afin de définir de manière précise la démarcation entre ces deux status, il est primordial que la mesure soit sensible et spécifique. Elle permet ainsi de montrer des changements cliniques.

  • La sensibilité, ou taux positif réel, est un indice qui mesure l’aptitude d’un examen clinique à détecter une condition[2] - l’examen est ainsi positif ;

  • La spécificité, ou taux négatif réel, est la capacité d’un examen clinique à éliminer une condition lorsqu’elle n’existe effectivement pas - l’examen est ainsi négatif.

Exemple : le programme progressif d’imagerie motrice (PPIM, Graded Motor Imagery Program GMIP) a un impact sur les sensations d’enraidissement, voire les sensations de cuisson, mais pas sur les douleurs en général. L’échelle visuelle analogique n’est pas un instrument de mesure suffisamment sensible pour montrer l’effet de ce programme in clinical research, voire in clinical practice.

Exemple : Les anciennes cartes de la sensibilité – verte – bleue – indigo – rouge – selon la technique de Judith Bell-Krotoski avec les monofilaments de Semmes-Weinstein n’avaient pas la sensibilité d’un seuil de perception à la pression.

Publier des recherches en toute neutralité est une exigence qui réunit ces trois critères : les compétences acquises sont belles et bien valides – il n’en manque pas –, elles sont reproductibles et en nuances.

Synthèse des niveaux de preuve (pour plus de détails, voir à la page suivante)

Niveau 3 : Publier avec la méthodologie sus-nommée un Fait clinique Case report est un début. Il est plus intéressant de publier des conditions somesthésiques et/ou neuropathiques fréquentes – afin qu’elles puissent être reproduites – plutôt que, comme l’usage le veux, de publier des raretés. Des Case reports, des opinions d’experts et des petites séries de faits cliniques peuvent apporter des subtilités utiles pour le practicien pour lui permettre d’ameliorer ses résultats thérapeutiques.

Niveau 2b : Publier une cohorte de patients dont les évaluations et les résultats ont été collectés de manière prospective et consécutive in clinical research – sur un petit groupe de patients choisit selon des critères d’inclusion très précis – ou mieux, in clinical pratice avec tous les patients, avec un status bien précis, reçus dans UNE structure de soins.

Exemple : La rééducation sensitive des douleurs neuropathiques présente un niveau 2b de preuve.

Niveau 2a : Publier au moins deux cohortes dans DEUX structures de soins ou deux cohortes dans une structure, mais dont le choix du traitement s’effectue au hasard at random. Dans le domaine des traitements non-médicamenteux, c’est la première option qui a le plus souvent cours. La notion d’efficacité placebo d’un traitement sans prise de médicament est très délicate à mettre en œuvre.

Niveau 1 : Publier des méta-analyses de nombreuses publications, par de nombreux auteurs, sur de nombreux sites permet de déterminer un fait tangible comme avéré : scientifique.

Note : cela n’empêche pas certains de penser beaucoup de bien des mécanismes de plasticité neuronale neuroplasticity – niveau de preuve 1a –, et de laisser leurs patients souffrir esseulés obscurcis par leurs douleurs, 20 mois après un événement lésionnel – et ne pas proposer de stimulations aux mécanismes de substitution, alors qu’aucune régénération des axones lésés n’est dès lors plus possible.

Cependant, il est aussi clair que la science en réadaptation est plus complexe encore. Actuellement, on parle de la pratique fondée sur des résultats probants (l’Evidence-Based Practice) qui signifie l’utilisation consciente, judicieuse et explicite des données actuelles de la science dans les décisions visant la récuperation fonctionnelle des patients. En effet, la pratique fondée sur les données probantes ne préconise pas seulement l'utilisation de la meilleure preuve scientifique, mais aussi l'expérience clinique du professionnel et les préférences du patient. Les meilleurs résultats de recherche sont habituellement trouvés dans des recherches cliniquement pertinentes qui ont été conduites en utilisant une méthodologie adéquate. L'expertise clinique se réfère à l'expérience accumulée ainsi que la formation adéquate du thérapeute pour utiliser la méthode/technique proposée. Le patient apporte en séance ses préférences personnelles et ses préoccupations uniques, ses attentes et ses valeurs. Donc, ces trois piliers doivent guider le processus de prise de décision clinique, notamment celles relatives à la sélection des instruments de mesure utilisés dans le processus d'évaluation clinique comme celles relatives aux choix des méthodes thérapeutiques.

La preuve, par elle-même, ne prend pas la décision, mais elle peut aider à soutenir le processus de réadaptation des patients. L'intégration complète de cette triade dans les décisions cliniques améliore la possibilité d'obtenir des résultats cliniques optimaux et une meilleure qualité de vie aux patients. La pratique fondée sur les données probantes nécessite de nouvelles et constantes compétences du thérapeute, y compris une recherche efficace de la littérature et l'application correcte et systématique de niveau d’évidence pour l'évaluation de la littérature clinique.

En conclusion, avec le passage de l’an 2000, nous sommes passés d’un art clinique à une science clinique. Il est plus que temps de mettre à jour ses concepts afin de proposer aux patients qui souffrent une solution thérapeutique de choix, notamment, plus efficace. Nonobstant, un homo sapiens sapiens face à un autre homo sapiens sapiens est doté d’intuition : d’un langage certes verbal, mais aussi paraverbal et non-verbal, et il est de bon aloi de confronter nos connaissances à notre intuition, avant et après une consultation. C’est ainsi qu’il est souvent difficile de refaire une bonne première impression.

[1] International Federation of Societies for Hand Therapy

[2] Condition : anglicisme, de plus en plus usité, qui recouvre une lésion, une maladie diagnostiquée, voire un status clinique.

[1] Privat Docent, Chirurgie Plastique, Reconstructive et Esthétique, FMH ; Chirurgie des Nerfs Périphériques ; Rue de la Morâche 9 ; CH - 1260 Nyon Suisse. gpietramaggiori@gmail.com

[2] Professeure du Département de Physiothérapie, Universidade Estadual do Centro Oeste Paraná, Brazil. Vice-presidente de l’Associação BRAsileira de FIsioterapia Neurofuncional (ABRAFIN);

[3] Collaborateur scientifique, Unité de physiologie, Département de médecine, Université de Fribourg ; 5, Rue du Musée ET Centre de rééducation sensitive ; Clinique Générale ; Rue Hans-Geiler 6 ; CH - 1700 Fribourg Suisse.

 

Fondé par la preuve (3/4)

[Citation] : Pietramaggiori, G., De Andrade Melo Knaut, S. & Spicher, C.J. (2017). Reverse engineering process Ebauche de synthèse : Fondé par la preuve. e-News Somatosens Rehab, 14(1), 8-14.

Giorgio PIETRAMAGGIORI, MD, PhD[1], Sibele DE ANDRADE MELO KNAUT, PhD, pht[2] & Claude SPICHER, OT, swiss HT[3] 

Lorsque lors d’un débat, quant à la stratégie thérapeutique à adopter pour un patient, notre interlocuteur vous assène : « De toute façon, j’ai fait ce que je croyais être le mieux ; nous avons tous des échecs et des succès », il se situe au début XXe siècle, AVANT la naissance de la science des statistiques. Croire à l’efficacité d’un traitement est important, utile, voire nécessaire, mais n’offre aucun niveau de preuve quant à son efficacité – ou son inefficacité. « L’existence de Dieu est hors sujet en physique » selon Stephen Hawking.

Les statistiques sont des analyses sur des échantillons - en clinique appelés cohortes series - si possible de 1000 données ; c’est du moins ce qui s’enseignait à la Faculté des sciences en 1980. Les statistiques élémentaires proposent les données extrêmes, par exemple la plus rapide et la plus lente – [min – max]. Ce n’est qu’en 2004, à la Triennale de l’IFSHT[1] à Edinburgh que j’ai découvert cette notion d’étendue range ; il ne m’a pas été facile d’aller demander sa signification : les statisticiens ne comprennent pas que nous sommes des débutants. De même, peu de lecteurs non-initiés savent que l’écart-type SD permet de définir les résultats d’une partie de la cohorte étudiée. ± SD signifie que tous les patients qui ont un résultat compris entre la valeur de la moyenne moins un écart-type et la moyenne plus un écart-type représentent le deux tiers des patients. L’interface entre cliniciens et statisticiens n’est pas facile à trouver. Ainsi, il n’est pas rare d’entendre dans un congrès un clinicien répondre : « Je ne sais pas, c’est un statisticien qui m’a donné ces résultats ». Un résultat est la conséquence logique des études scientifiques qui comparent les traitements et montrent des différences significatives entre eux. En statistique, ces différences doivent avoir moins de 5% de probabilités d’être obtenus par hasard (c’est l’explication du p<0.05 que l’on trouve dans les papiers scientifiques). C’est l’une des raisons pour laquelle, un niveau de preuve est proposé aux cliniciens, résultat d’un travail statistique très élaboré, mais lisible et compréhensible pour ceux-ci.

Les professions des traitements physiques rehabilitation ont fait un grand effort dans le cadre de leur formation pour donner ces compétences à leurs étudiants au bachelor, voire même au master. C’est ainsi que de nouveaux titres apparaissent comme Bsc erg, Bsc physio, bachelier en ergothérapie ou physiothérapie et non seulement le titre d’ergothérapeute ou masso-kinésithérapeute DE. Ce n’est pas parce que ces nouveaux professionnels connaissent ces notions élémentaires que leurs interlocuteurs, formés le siècle passé et qui n’ont pas pris de formation continue sur ce sujet, les comprennent. C’est pour parler un language commun entre tous les protagonistes de la santé des patients que nous devons faire l’effort de comprendre l’importance de l’evidence-based medicine et des statistiques qui permettent de l’obtenir. C’est pourquoi, nous nous permettons ci-après, une tentative d’explication personnelle de ce tableau de niveaux de preuves (image Table I, à la fin).

Prérequis

L’evidence-based medicine (ou médecine factuelle) est définie comme l’utilisation consciencieuse et judicieuse des meilleures données probantes actuelles de la recherche clinique dans la prise en charge personnalisée de chaque patient (Sackett, 1996). Le besoin de se concentrer sur l’evidence-based medicine trouve ses raisons profondes dans le but d’ameliorer la pratique clinique et les résultats obtenus par celle-ci auprès des patients.

Le choix des stratégies de traitement ou de programme de rehabilitation devrait être fait pour répondre aux objectifs clairs et précis établis après un examen minutieux.

Ainsi, avant de publier quoique ce soit, il est nécessaire de collecter des données fiables : valides, fidèles et sensibles. Malheureusement, ces trois critères sont rarement réunis, ce qui offre des arguments aux détracteurs, des statistiques en général, des niveaux de preuves en particulier pour disqualifer ce changement.

Validité : Il s’agit de mesurer ce que vous voulez vraiment mesurer.

Exemple 1 : Il est valide de mesurer la capacité de détection du système neurologique somatosensoriel en mesurant le seuil de perception à la pression.

Contre-exemple 1 : Il n’est PAS valide de mesurer la capacité de détection du système neurologique somatosensoriel avec le test de discrimination de 2 points statiques ; toutefois, il est valide de mesurer la capacité d’identification du système neurologique avec le test de discrimination de 2 points statiques.

Contre-exemple 2 : Il n’est PAS valide de mesurer l’efficacité des emplâtres de lidocaïne (Versatis®, Neurodol®, etc.) en utilisant une échelle visuelle analogique qui mesure à la fois l’impact sur les douleurs neuropathiques spontanées – bloquées en effet par la lidocaïne – et les douleurs neuropathiques provoquées exacerbées par l’emplâtre …

Fidélité signifie reproductibilité : en mesurant la même variable, on obtient le même résultat sur le même sujet.

La standardisation des méthodes est requise afin d’en assurer la reproductibilité, sans quoi aucune comparaison de patients ne peut être mise en œuvre. Un instrument fidèle implique qu’il est possible de réaliser une mesure avec une justesse constante à chaque fois qu'on l'emploie auprès d'individus semblables soumis à des conditions équivalentes ou identiques. Ceci présuppose des écrits, mais aussi un enseignement par des formateurs, une expertise des acquis.

Exemple 1 : La fiabilité du diapason de 128 Hz pour détecter la durée de la perception vibratoire est prouvée, ce qui permet d’identifier la dégenération des axones après une lésion nerveuse périphérique, mais aussi la régénération axonale suite à un traitement. 

Exemple 2 : La standardisation du signe distal de régénération (T++ tingling sign  ≡ vrai signe de Tinel) a permis de suivre fidèlement la régénération des axones.

Sensibilité et spécificité : Les signes d’examen clinique sont soit positifs, soit négatifs. Afin de définir de manière précise la démarcation entre ces deux status, il est primordial que la mesure soit sensible et spécifique. Elle permet ainsi de montrer des changements cliniques.

 

  • La sensibilité, ou taux positif réel, est un indice qui mesure l’aptitude d’un examen clinique à détecter une condition[2] - l’examen est ainsi positif ;

  • La spécificité, ou taux négatif réel, est la capacité d’un examen clinique à éliminer une condition lorsqu’elle n’existe effectivement pas - l’examen est ainsi négatif.

 

Exemple : le programme progressif d’imagerie motrice (PPIM, Graded Motor Imagery Program GMIP) a un impact sur les sensations d’enraidissement, voire les sensations de cuisson, mais pas sur les douleurs en général. L’échelle visuelle analogique n’est pas un instrument de mesure suffisamment sensible pour montrer l’effet de ce programme in clinical research, voire in clinical practice.

Exemple : Les anciennes cartes de la sensibilité – verte – bleue – indigo – rouge – selon la technique de Judith Bell-Krotoski avec les monofilaments de Semmes-Weinstein n’avaient pas la sensibilité d’un seuil de perception à la pression.

Publier des recherches en toute neutralité est une exigence qui réunit ces trois critères : les compétences acquises sont belles et bien valides – il n’en manque pas –, elles sont reproductibles et en nuances.

 

Synthèse des niveaux de preuve (pour plus de détails, voir à la page suivante)

Niveau 3 : Publier avec la méthodologie sus-nommée un Fait clinique Case report est un début. Il est plus intéressant de publier des conditions somesthésiques et/ou neuropathiques fréquentes – afin qu’elles puissent être reproduites – plutôt que, comme l’usage le veux, de publier des raretés. Des Case reports, des opinions d’experts et des petites séries de faits cliniques peuvent apporter des subtilités utiles pour le practicien pour lui permettre d’ameliorer ses résultats thérapeutiques.

Niveau 2b : Publier une cohorte de patients dont les évaluations et les résultats ont été collectés de manière prospective et consécutive in clinical research – sur un petit groupe de patients choisit selon des critères d’inclusion très précis – ou mieux, in clinical pratice avec tous les patients, avec un status bien précis, reçus dans UNE structure de soins.

Exemple : La rééducation sensitive des douleurs neuropathiques présente un niveau 2b de preuve.

 

Niveau 2a : Publier au moins deux cohortes dans DEUX structures de soins ou deux cohortes dans une structure, mais dont le choix du traitement s’effectue au hasard at random. Dans le domaine des traitements non-médicamenteux, c’est la première option qui a le plus souvent cours. La notion d’efficacité placebo d’un traitement sans prise de médicament est très délicate à mettre en œuvre.

Niveau 1 : Publier des méta-analyses de nombreuses publications, par de nombreux auteurs, sur de nombreux sites permet de déterminer un fait tangible comme avéré : scientifique.

Note : cela n’empêche pas certains de penser beaucoup de bien des mécanismes de plasticité neuronale neuroplasticity – niveau de preuve 1a –, et de laisser leurs patients souffrir esseulés obscurcis par leurs douleurs, 20 mois après un événement lésionnel – et ne pas proposer de stimulations aux mécanismes de substitution, alors qu’aucune régénération des axones lésés n’est dès lors plus possible.

 

Cependant, il est aussi clair que la science en réadaptation est plus complexe encore. Actuellement, on parle de la pratique fondée sur des résultats probants (l’Evidence-Based Practice) qui signifie l’utilisation consciente, judicieuse et explicite des données actuelles de la science dans les décisions visant la récuperation fonctionnelle des patients. En effet, la pratique fondée sur les données probantes ne préconise pas seulement l'utilisation de la meilleure preuve scientifique, mais aussi l'expérience clinique du professionnel et les préférences du patient. Les meilleurs résultats de recherche sont habituellement trouvés dans des recherches cliniquement pertinentes qui ont été conduites en utilisant une méthodologie adéquate. L'expertise clinique se réfère à l'expérience accumulée ainsi que la formation adéquate du thérapeute pour utiliser la méthode/technique proposée. Le patient apporte en séance ses préférences personnelles et ses préoccupations uniques, ses attentes et ses valeurs. Donc, ces trois piliers doivent guider le processus de prise de décision clinique, notamment celles relatives à la sélection des instruments de mesure utilisés dans le processus d'évaluation clinique comme celles relatives aux choix des méthodes thérapeutiques.

La preuve, par elle-même, ne prend pas la décision, mais elle peut aider à soutenir le processus de réadaptation des patients. L'intégration complète de cette triade dans les décisions cliniques améliore la possibilité d'obtenir des résultats cliniques optimaux et une meilleure qualité de vie aux patients. La pratique fondée sur les données probantes nécessite de nouvelles et constantes compétences du thérapeute, y compris une recherche efficace de la littérature et l'application correcte et systématique de niveau d’évidence pour l'évaluation de la littérature clinique.

En conclusion, avec le passage de l’an 2000, nous sommes passés d’un art clinique à une science clinique. Il est plus que temps de mettre à jour ses concepts afin de proposer aux patients qui souffrent une solution thérapeutique de choix, notamment, plus efficace. Nonobstant, un homo sapiens sapiens face à un autre homo sapiens sapiens est doté d’intuition : d’un langage certes verbal, mais aussi paraverbal et non-verbal, et il est de bon aloi de confronter nos connaissances à notre intuition, avant et après une consultation. C’est ainsi qu’il est souvent difficile de refaire une bonne première impression.

[1] Privat Docent, Chirurgie Plastique, Reconstructive et Esthétique, FMH ; Chirurgie des Nerfs Périphériques ; Rue de la Morâche 9 ; CH - 1260 Nyon Suisse. gpietramaggiori@gmail.com

[2] Professeure du Département de Physiothérapie, Universidade Estadual do Centro Oeste Paraná, Brazil. Vice-presidente de l’Associação BRAsileira de FIsioterapia Neurofuncional (ABRAFIN);

[3] Collaborateur scientifique, Unité de physiologie, Département de médecine, Université de Fribourg ; 5, Rue du Musée ET Centre de rééducation sensitive ; Clinique Générale ; Rue Hans-Geiler 6 ; CH - 1700 Fribourg Suisse.

[1] International Federation of Societies for Hand Therapy

[2] Condition : anglicisme, de plus en plus usité, qui recouvre une lésion, une maladie diagnostiquée, voire un status clinique.

 

Fondé par la preuve (2/4)

[Citation] : de Andrade Melo Knaut, S. & Spicher, C.J. (2016). Ebauche de synthèse : Fondé par la preuve. e-News Somatosens Rehab, 13(4), 162-167.

Sibele de Melo Andrade Knaut, PhD, pht[1] & Claude SPICHER, OT, swiss HT[2]

Lorsque lors d’un débat, quant à la stratégie thérapeutique à adopter pour un patient, notre interlocuteur vous assène : « De toute façon, nous avons tous des échecs et des succès », il se situe au début XXe siècle, AVANT la naissance de la science des statistiques.

Les statistiques sont des analyses sur des échantillons - en clinique appelés cohortes series - si possible de 1000 données ; c’est du moins ce que j’ai appris à mon premier cours de statistiques à la Faculté des sciences en 1980. Les statistiques élémentaires proposent les données extrêmes, par exemple la plus rapide et la plus lente – [min – max]. Ce n’est qu’en 2004, à la Triennale de l’IFSHT[1] à Edinburgh que j’ai découvert cette notion d’étendue range ; il ne m’a pas été facile d’aller demander sa signification : les statisticiens ne comprennent pas que nous sommes des débutants. De même, peu de lecteurs non-initiés savent que l’écart-type SD permet de définir les résultats d’une partie de la cohorte étudiée. ± SD signifie que tous les patients qui ont un résultat compris entre la valeur de la moyenne moins un écart-type et la moyenne plus un écart-type représentent le deux tiers des patients. L’interface entre cliniciens et statisticiens n’est pas facile à trouver. Ainsi, il n’est pas rare d’entendre dans un congrès un clinicien répondre : « Je ne sais pas, c’est un statisticien qui m’a donné ces résultats ». C’est l’une des raisons pour laquelle, un niveau de preuve est proposé aux cliniciens, résultat d’un travail statistique très élaboré, mais lisible et compréhensible pour ceux-ci.

Les professions des traitements physiques rehabilitation ont fait un grand effort dans le cadre de leur formation pour donner ces compétences à leurs étudiants au bachelor, voire même au master. C’est ainsi que de nouveaux titres apparaissent comme BSc erg, BSc physio, bachelier en ergothérapie ou physiothérapie et non seulement le titre d’ergothérapeute ou masso-kinésithérapeute DE. Ce n’est pas parce que ces nouveaux professionnels connaissent ces notions élémentaires que leurs interlocuteurs, formés le siècle passé et qui n’ont pas pris de formation continue sur ce sujet, les comprennent. C’est pourquoi, je me permets ci-après, une tentative d’explication personnelle de ce tableau de niveaux de preuves (image Table I, à la fin).

Croire qu’un traitement est efficace est important, utile, voire nécessaire, mais n’offre aucun niveau de preuve quant à son efficacité – ou son inefficacité. Affirmer que : « l’efficacité de cette méthode est hautement discutable » n’est PAS un point de vue scientifique. « L’existence de Dieu est hors sujet en physique » selon Stephen Hawking.

Prérequis

Le choix des stratégies de traitement ou de programme de rehabilitation devrait être fait pour répondre aux objectifs clairs et précis établis après un examen minutieux.

Ainsi, avant de publier quoique ce soit, il est nécessaire de collecter des données fiables : valides, fidèles et sensibles. Malheureusement, ces trois critères sont rarement réunis, ce qui offre des arguments aux détracteurs, des statistiques en général, des niveaux de preuves en particulier pour disqualifer ce changement.

Validité : Il s’agit de mesurer ce que vous voulez vraiment mesurer.

Exemple 1 : Il est valide de mesurer la capacité de détection du système neurologique somatosensoriel en mesurant le seuil de perception à la pression.

Contre-exemple 1 : Il n’est PAS valide de mesurer la capacité de détection du système neurologique somatosensoriel avec le test de discrimination de 2 points statiques ; toutefois, il est valide de mesurer la capacité d’identification du système neurologique avec le test de discrimination de 2 points statiques.

Contre-exemple 2 : Il n’est PAS valide de mesurer l’efficacité des emplâtres de lidocaïne (Versatis®, Neurodol®, etc.) en utilisant une échelle visuelle analogique qui mesure à la fois l’impact sur les douleurs neuropathiques spontanées – bloquées en effet par la lidocaïne – et les douleurs neuropathiques provoquées exacerbées par l’emplâtre …

Fidélité : La standardisation des méthodes est requise afin d’en assurer la reproductibilité, sans quoi aucune comparaison de patients ne peut être mise en œuvre. Un instrument fidèle implique qu’il est possible de réaliser une mesure avec une justesse constante à chaque fois qu'on l'emploie auprès d'individus semblables soumis à des conditions équivalentes ou identiques. Ceci présuppose des écrits, mais aussi un enseignement par des formateurs, une expertise des acquis.

Exemple 1 : La fiabilité du diapason de 128 Hz pour détecter la durée de la perception vibratoire est prouvée, ce qui permet d’identifier la dégenération des axones après une lésion nerveuse périphérique, mais aussi la régénération axonale suite à un traitement. 

Exemple 2 : La standardisation du signe distal de régénération (T++ tingling sign  ≡ vrai signe de Tinel) a permis de suivre fidèlement la régénération des axones.

Sensibilité : Les signes d’examen clinique sont soit positif, soit négatif. Afin de définir de manière précise la démarcation entre ces deux status, il est primordial que la mesure soit sensible. Elle permet ainsi de montrer des changements cliniques.

Exemple : le programme progressif d’imagerie motrice GMIP a un impact sur les sensations d’enraidissement, voire les sensations de cuisson, mais pas sur les douleurs. L’échelle visuelle analogique n’est pas un instrument de mesure suffisamment sensible pour montrer l’effet de ce programme in clinical research, voire in clinical practice.

Exemple : Les anciennes cartes de la sensibilité – verte – bleue – indigo – rouge – selon la technique de Judith Bell-Krotoski avec les monofilaments de Semmes-Weinstein n’avaient pas la sensibilité d’un seuil de perception à la pression.

Publier des recherches en toute neutralité est une exigence qui réunit ces trois critères : les compétences acquises sont belles et bien valides – il n’en manque pas –, elles sont reproductibles et en nuances.

Synthèse des niveaux de preuve (pour plus de détails, voir à la page suivante)

Niveau 3 : Publier avec la méthodologie sus-nommée un Fait clinique Case report est un début. Il est plus intéressant de publier des conditions somesthésiques et/ou neuropathiques fréquentes – afin qu’elles puissent être reproduites – plutôt que, comme l’usage le veux, de publier des raretés.

Niveau 2b : Publier une cohorte de patients dont les évaluations et les résultats ont été collectés de manière prospective et consécutive in clinical research – sur un petit groupe de patients choisit selon des critères d’inclusion très précis – ou mieux, in clinical pratice avec tous les patients, avec un status bien précis, reçus dans UNE structure de soins.

Exemple : La rééducation sensitive des douleurs neuropathiques présente un niveau 2b de preuve.

Niveau 2a : Publier au moins deux cohortes dans DEUX structures de soins ou deux cohortes dans une structure, mais dont le choix du traitement s’effectue au hasard at random. Dans le domaine des traitements non-médicamenteux, c’est la première option qui a le plus souvent cours. La notion d’efficacité placebo d’un traitement sans prise de médicament est très délicate à mettre en œuvre.

Niveau 1 : Publier des méta-analyses de nombreuses publications, par de nombreux auteurs, sur de nombreux sites permet de déterminer un fait tangible comme avéré : scientifique.

Note : cela n’empêche pas certains de penser beaucoup de bien des mécanismes de plasticité neuronale neuroplasticity – niveau de preuve 1a –, et de laisser leurs patients souffrir esseulés obscurcis par leurs douleurs, 20 mois après un événement lésionnel – et ne pas proposer de stimulations aux mécanismes de substitution, alors qu’aucune régénération des axones lésés n’est dès lors plus possible.

Cependant, il est aussi clair que la science en réadaptation est plus complexe encore. Actuellement, on parle de la pratique fondée sur des résultats probants (l’Evidence-Based Practice) qui signifie l’utilisation consciente, judicieuse et explicite des données actuelles de la science dans les décisions visant la récuperation fonctionnelle des patients. En effet, la pratique fondée sur les données probantes ne préconise pas seulement l'utilisation de la meilleure preuve scientifique, mais aussi l'expérience clinique du professionnel et les préférences du patient. Les meilleurs résultats de recherche sont habituellement trouvés dans des recherches cliniquement pertinentes qui ont été conduites en utilisant une méthodologie adéquate. L'expertise clinique se réfère à l'expérience accumulée ainsi que la formation adéquate du thérapeute pour utiliser la méthode/technique proposée. Le patient apporte en séance ses préférences personnelles et ses préoccupations uniques, ses attentes et ses valeurs. Donc, ces trois piliers doivent guider le processus de prise de décision clinique, notamment celles relatives à la sélection des instruments de mesure utilisés dans le processus d'évaluation clinique comme celles relatives aux choix des méthodes thérapeutiques.

La preuve, par elle-même, ne prend pas la décision, mais elle peut aider à soutenir le processus de réadaptation des patients. L'intégration complète de cette triade dans les décisions cliniques améliore la possibilité d'obtenir des résultats cliniques optimaux et une meilleure qualité de vie aux patients. La pratique fondée sur les données probantes nécessite de nouvelles et constantes compétences du thérapeute, y compris une recherche efficace de la littérature et l'application correcte et systématique de niveau d’évidence pour l'évaluation de la littérature clinique.

En conclusion, avec le passage de l’an 2000, nous sommes passés d’un art clinique à une science clinique. Il est plus que temps de mettre à jour ses concepts afin de proposer aux patients qui souffrent une solution thérapeutique de choix, notamment, plus efficace. Nonobstant, un homo sapiens sapiens face à un autre homo sapiens sapiens est doté d’intuition : d’un langage certes verbal, mais aussi paraverbal et non-verbal, et il est de bon aloi de confronter nos connaissances à notre intuition, avant et après une consultation. C’est ainsi qu’il est souvent difficile de refaire une bonne première impression.

[1] International Federation of Societies for Hand Therapy

[1] Professeure du Département de Physiothérapie, Universidade Estadual do Centro Oeste Paraná, Brazil. Vice-presidente de l’Associação BRAsileira de FIsioterapia Neurofuncional (ABRAFIN); sibelemelo@gmail.com

[2] Collaborateur scientifique, Unité de physiologie, Département de médecine, Université de Fribourg ; 5, Rue du Musée ET Centre de rééducation sensitive ; Clinique Générale; Rue Hans-Geiler 6 ; CH - 1700 Fribourg Suisse.

 

 

Fondé par la preuve (1/4)

[Citation] : Spicher, C.J. (2016). Ebauche de synthèse : Fondé par la preuve. e-News Somatosens Rehab, 13(3), 111-115.

Claude SPICHER[1]

Lorsque lors d’un débat, quant à la stratégie thérapeutique à adopter pour un patient, notre interlocuteur vous assène : « De toute façon, nous avons tous des échecs et des succès », il se situe au début XXe siècle, AVANT la naissance de la science des statistiques.

Les statistiques sont des analyses sur des échantillons - en clinique appelés cohortes series - si possible de 1000 données ; c’est du moins ce que j’ai appris à mon premier cours de statistiques à la Faculté des sciences en 1980. Les statistiques élémentaires proposent les données extrêmes, par exemple la plus rapide et la plus lente – [min – max]. Ce n’est qu’en 2004, à la Triennale de l’IFSHT[1] à Edinburgh que j’ai découvert cette notion d’étendue range ; il ne m’a pas été facile d’aller demander sa signification : les statisticiens ne comprennent pas que nous sommes des débutants. De même, peu de lecteurs non-initiés savent que l’écart-type SD permet de définir les résultats d’une partie de la cohorte étudiée. ± SD signifie que tous les patients qui ont un résultat compris entre la valeur de la moyenne moins un écart-type et la moyenne plus un écart-type représentent le deux tiers des patients. L’interface entre cliniciens et statisticiens n’est pas facile à trouver. Ainsi, il n’est pas rare d’entendre dans un congrès un clinicien répondre : « Je ne sais pas, c’est un statisticien qui m’a donné ces résultats ». C’est l’une des raisons pour laquelle, un niveau de preuve est proposé aux cliniciens, résultat d’un travail statistique très élaboré, mais lisible et compréhensible pour ceux-ci.

Les professions des traitements physiques rehabilitation ont fait un grand effort dans le cadre de leur formation pour donner ces compétences à leurs étudiants au bachelor, voire même au master. C’est ainsi que de nouveaux titres apparaissent comme Bsc erg ou bachelier en ergothérapie et non seulement le titre d’ergothérapeute DE. Ce n’est pas parce que ces nouveaux professionnels connaissent ces notions élémentaires que leurs interlocuteurs, formés le siècle passé et qui n’ont pas pris de formation continue sur ce sujet, les comprennent. C’est pourquoi, je me permets ci-après, une tentative d’explication personnelle de ce tableau de niveaux de preuves (image Table I, à la fin).

Croire qu’un traitement est efficace est important, utile, voire nécessaire, mais n’offre aucun niveau de preuve quant à son efficacité – ou son inefficacité. Affirmer que : « l’efficacité de cette méthode est hautement discutable » n’est PAS un point de vue scientifique. « L’existence de Dieu est hors sujet en physique » selon Stephen Hawking.

Prérequis

Avant de publier quoique ce soit, il est nécessaire de collecter des données fiables : valides, fidèles et sensibles. Malheureusement, ces trois critères sont rarement réunis, ce qui offre des arguments aux détracteurs, des statistiques en général, des niveaux de preuves en particulier pour disqualifer ce changement.

Validité : Il s’agit de mesurer ce que vous voulez vraiment mesurer.

Exemple 1 : Il est valide de mesurer la capacité de détection du système neurologique somatosensoriel en mesurant le seuil de perception à la pression.

Contre-exemple 1 : Il n’est PAS valide de mesurer la capacité de détection du système neurologique somatosensoriel avec le test de discrimination de 2 points statiques ; toutefois, il est valide de mesurer la capacité d’identification du système neurologique avec le test de discrimination de 2 points statiques.

Contre-exemple 2 : Il n’est PAS valide de mesure l’efficacité des emplâtres de lidocaïne (Versatis®, Neurodol®, etc.) en utilisant une échelle visuelle analogique qui mesure à la fois l’impact sur les douleurs neuropathiques spontanées – bloquées en effet par la lidocaïne – et les douleurs neuropathiques provoquées exacerbées par l’emplâtre …

Fidélité : La standardisation des méthodes est requise afin d’en assurer la reproductibilité, sans quoi aucune comparaison de patients ne peut être mise en œuvre. Ceci présuppose des écrits, mais aussi un enseignement par des formateurs, une expertise des acquis.

Exemple 1 : Cette exigence n’est pas offerte par l’expert dentiste dans le livre dont nous vous proposons la lecture ci-après.

Exemple 2 : La standardisation du signe distal de régénération (T++ tingling sign  ≡ vrai signe de Tinel) a permis de suivre fidèlement la régénération des axones.

Sensibilité : Les signes d’examen clinique sont soit positif, soit négatif. Afin de définir de manière précise la démarcation entre ces deux status, il est primordial que la mesure soit sensible. Elle permet ainsi de montrer des changements cliniques.

Exemple : le programme progressif d’imagerie motrice GMIP a un impact sur les sensations d’enraidissement, voire les sensations de cuisson, mais pas sur les douleurs. L’échelle visuelle analogique n’est pas un instrument de mesure suffisamment sensible pour montrer l’effet de ce programme in clinical research, voire in clinical practice.

Exemple : Les anciennes cartes de la sensibilité – verte – bleue – indigo – rouge – selon la technique de Judith Bell-Krotoski avec les monofilaments de Semmes-Weinstein n’avaient pas la sensibilité d’un seuil de perception à la pression.

Publier des recherches en toute neutralité est une exigence qui réunit ces trois critères : les compétences acquises sont belles et bien valides – il n’en manque pas –, elles sont reproductibles et en nuances.

Synthèse des niveaux de preuve (pour plus de détails, voir à la page suivante)

Niveau 3 : Publier avec la méthodologie sus-nommée un Fait clinique Case report est un début. Il est plus intéressant de publier des conditions somesthésiques et/ou neuropathiques fréquentes – afin qu’elles puissent être reproduites – plutôt que, comme l’usage le veux, de publier des raretés.

Niveau 2b : Publier une cohorte de patients dont les évaluations et les résultats ont été collectés de manière prospective et consécutive in clinical research – sur un petit groupe de patients choisit selon des critères d’inclusion très précis – ou mieux, in clinical pratice avec tous les patients, avec un status bien précis, reçus dans UNE structure de soins.

Exemple : La rééducation sensitive des douleurs neuropathiques présente un niveau 2b de preuve.

Niveau 2a : Publier au moins deux cohortes dans DEUX structures de soins ou deux cohortes dans une structure, mais dont le choix du traitement s’effectue au hasard at random. Dans le domaine des traitements non-médicamenteux, c’est la première option qui a le plus souvent cours. La notion d’efficacité placebo d’un traitement sans prise de médicament est très délicate à mettre en œuvre.

Niveau 1 : Publier des méta-analyses de nombreuses publications, par de nombreux auteurs, sur de nombreux sites permet de déterminer un fait tangible comme avéré : scientifique.

Note : cela n’empêche pas certains de penser beaucoup de bien des mécanismes de plasticité neuronale neuroplasticity – niveau de preuve 1a –, et de laisser leurs patients souffrir esseulés obscurcis par leurs douleurs, 20 mois après un événement lésionnel – et ne pas proposer de stimulations aux mécanismes de substitution, alors qu’aucune régénération des axones lésés n’est dès lors plus possible.

En conclusion, avec le passage de l’an 2000, nous sommes passés d’un art clinique à une science clinique. Il est plus que temps de mettre à jour ses concepts afin de proposer aux patients qui souffrent une solution thérapeutique de choix. Nonobstant, un homo sapiens sapiens face à un autre homo sapiens sapiens est doté d’intuition : d’un langage certes verbal, mais aussi paraverbal et non-verbal, et il est de bon aloi de confronter nos connaissances à notre intuition, avant et après une consultation. C’est ainsi qu’il est souvent difficile de refaire une bonne première impression.

[1] International Federation of Societies for Hand Therapy

[1] Collaborateur scientifique, Unité de physiologie, Département de médecine, Université de Fribourg ; 5, Rue du Musée ET Centre de rééducation sensitive ; Clinique Générale; Rue Hans-Geiler 6 ; CH - 1700 Fribourg Suisse ; claude.spicher@unifr.ch

Table I : Oxford Centre for Evidence-based Medicine Levels of Evidence (2001).

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