J’écoute mon corps, ma main et j’en prends soin (N°55)

Tout a commencé, il y a à peu près 7 ans, par des douleurs à l’index de ma main droite. On m’a tout de suite dit que c’était de l’arthrose et que malheureusement, on ne peut pas faire grand chose, car c’est une maladie dégénérative et que cela avance par des pics de douleurs. On peut juste me soulager en prenant du Condrosulf® en cure et des médicaments contre la douleur et l’inflammation.

En plus de cela, j’ai tout essayé, j’ai demandé conseil, j’ai lu sur l’arthrose. On me conseillait de masser mes mains avec des crèmes, gels anti-inflammatoires pour soulager mes mains, de baigner mes mains avec de l’eau chaude. Cela soulage sur le moment, mais rien de plus.

Le temps passant, mes douleurs ont augmenté. L’arthrose a évolué et en plus ma main droite était tout le temps gonflée. J’avais des fourmillements, j’avais du mal à fermer ma main. Le matin, j’étais obligée de me masser la main et de la bouger sans cesse pour pouvoir l’utiliser comme il faut.

Je demandais souvent à mes différents médecins ce que je pouvais faire, je voulais juste que l’on me soulage, qu’on me conseille quoi faire pour avoir moins mal et si possible, pour utiliser ma main au mieux ; je suis droitière.

J’aime tricoter, crocheter, bricoler. Oui, je suis devenue plus manuelle avec l’âge et pourtant à cause de mes douleurs, je devais faire des choix : passer l’aspirateur ou peindre un meuble, repasser ou tricoter une écharpe, nettoyer les vitres ou m’amuser à créer des bijoux. En plus, j’ai deux chats et un chien, alors il faut leur donner à manger, les brosser, nettoyer leurs fontaines, changer les litières.

Tout devenait difficile, fatigant, angoissant. Alors on choisit le ménage, la lessive, le repassage, car on doit le faire par nécessité, je n’aime pas vivre dans le désordre. J’aime me sentir bien chez moi.

Mes animaux, je les ai choisi, je les aime et ils me le rendent bien, ils font partie de ma vie. J’ai deux filles adultes qui vivent avec moi. L’une fait son doctorat et l’autre termine son apprentissage. Elles m’aident, mais quand elles ont du temps. Ne travaillant pas l’extérieur, en raison de problèmes de santé, autres que mes douleurs à ma main droite, c’est moi qui m’occupe du ménage et des courses.

On me dit qu’il ne faut surtout pas arrêter de bouger mes doigts et ma main sinon cela va empirer. Si j’ai mal, je prends une pilule, je me masse la main, je mets mes mains sous l’eau chaude, cela soulage. Tout cela me démoralise, car j’ai l’impression que mes douleurs ne se calment plus, même lorsque je ne fais rien. En plus, ma main est tout le temps enflée, chaude. J’ai l’impression que ma main et mon avant-bras sont pris dans un étau ; en fait, cela devient des fois insupportable, je sens ma main comme différente.

Cela fait environ un an, j’ai changé de médecin-traitant. Suite à mes plaintes, il m’a conseillé de faire de la rééducation sensitive ; je n’en avais jamais fait, alors pourquoi pas.

Le 7 janvier, je suis donc allée à mon premier rendez-vous, sans a priori et sans craintes : je verrai bien. Je me retrouve assise devant une jeune femme qui me pose d’innombrables questions sur mes douleurs, elle dessine mon avant-bras, prends des mesures et m’explique ce qui va se passer et surtout ce que je dois faire si je veux aller mieux.

A ma grande surprise, elle me dit que je ne dois pas bouger ma main, ni mon bras, que je ne dois rien faire avec ma main et que plusieurs fois par jour, je dois passer une peau de lapin  au-dessus de l’avant-bras et surtout ne pas toucher ma main et l’avant-bras. Que le système nerveux sous ma peau est surexcité. Et que c’est à cause de cela que ma main ne va pas bien.

OK pour moi. Je sors de ma séance totalement déconcertée. Pas bouger ma main, d’accord, mais je dois manger, m’habiller, faire à manger, me laver les cheveux, me laver, etc. Donc pour moi, ne pas bouger ma main veut dire, de ne pas faire d’effort et d’éviter le plus possible de l’utiliser.

Une semaine plus tard, je retourne au Centre et on me demande si j’ai mal, comment cela se passe et on me fait le test avec le stylet. J’avais mal et pas de changement. La rééducatrice sensitive de la douleur me dit alors : « Vous avez utilisé votre main, vous l’avez bougée ». Je lui réponds : « oui, il faut bien ». Alors elle me dit : « Ne pas bouger votre main, c’est ne plus l’utiliser du tout, faire comme si elle n’existait pas, l’oublier et ne pas la toucher ».

Je sors du traitement choquée, j’avais les larmes qui coulaient toutes seules. Comment, je vais faire ? Je ne sais pas, je suis perdue. J’ai appelé une de mes filles et je lui ai expliqué pour essayer de mieux comprendre moi-même. Ma fille m’a dit : « Ne bouge plus ta main, si on te le dit ». Je suis rentrée chez moi et me suis dis : « il faut que j’essaye ».

Alors on se déshabille avec la main gauche, ce n’est pas trop compliqué, juste le soutien-gorge.

Je réfléchi comment faire le plus de chose possible avec la main gauche et j’essaye.

Vider la litière des chats : pas possible ; nettoyer la fontaine d’eau, non plus ; je peux juste rajouter de l’eau. Donner à manger aux chats et au chien, barquette : pas possible ; boîte : non plus ; sachet : oui, je peux les tenir avec la main gauche et l’ouvrir avec la bouche.

Sortir le chien : oui, mais compliqué avec une laisse normale ; j’ai acheté une laisse flexible rétractable de huit mètres et c’est nettement plus facile avec une seule main.

Me doucher : oui, mais pas très facile. Me laver les cheveux : impossible, j’ai du faire appel à une de mes filles. Me laver les dents : pas de problèmes, j’ai une brosse à dents électrique. Me nettoyer le visage : très difficile. Me coiffer : difficile.

En fait tout geste quotidien est difficile, car il faut se concentrer aussi à ne pas bouger la main droite, parce que lorsque on prend une bouteille, on la tient avec la main gauche et on enlève le bouchon avec la main droite par instinct. Je ne dois plus le faire, je dois la prendre avec la main gauche, la tenir entre mes jambes et enlever le bouchon avec la main gauche.

Je vais à mon 3e rendez-vous, la rééducatrice m’examine. Résultat, mitigé, je continue malgré tout à bouger ma main, il me semble que je n’ai pas le choix, je dois le faire, ce n’est pas possible. Là, la rééducatrice a été très directe, elle m’a dit : « Si vous faîtes ce que je vous dis, vous n’aurez plus de douleurs comme maintenant. La méthode que l’on utilise fonctionne très bien. C’est vous qui voyez. Vous ne devez plus RIEN faire avec votre main ».

Et cela a été le déclic : je n’ai plus utilisé ma main, je ne pouvais même plus me mettre de la crème sur la main, ni le bras, je ne pouvais pratiquement plus toucher mon côté droit.

Alors, comment faire ? Plus de sac à main, juste un porte-monnaie que je puisse ouvrir facilement avec ma main gauche. Plus d’agenda, je ne peux pas écrire, heureusement, j’ai mon smartphone et je peux y introduire mes rendez-vous. J’ai eu de la chance, c’était l’hiver, j’avais une veste avec des grandes poches et je mettais tout cela dans ma poche - du côté gauche bien sûr. Je mettais des mouffles et je n’enlevais jamais la droite comme cela je n’oubliais pas.

Pour le reste, mes filles m’ont aidé. Ce n’était pas fait comme je le faisais ou autant de fois, mais au moins c’était fait.

On a mangé des surgelés très souvent, je ne pouvais pas faire à manger normalement. Cuisiner avec la main gauche seulement, c’est très restrictif.

Manger, pas très réjouissant non plus : je ne pouvais pas couper de viande, de pain, etc. …

Il faut de l’imagination.

Pour s’habiller et se déshabiller, cela a été. Je n’ai plus porté de soutien-gorge, plus de collant. Je m’habille simplement, pull, leggins, chaussettes, mi-bas et bottes sans cordons. Le seul problème, c’était la veste, elle avait une crémaillère : la monter et la descendre, c’est bon. Mais, l’accrocher, là, je n’avais pas d’autre moyen que d’utiliser ma main droite.

Quand je parle, je bouge beaucoup les mains, il fallait parler sans bouger.

Pour l’hygiène, cela a été ; je n’ai juste pas pu mettre du Body milk.

En fait, je ne pouvais pas faire grand-chose.

Cependant, le résultat en a valu la peine : dès que j’ai suivi les consignes des rééducatrices sensitives de la douleur certifiées (RSDC®), ma main a changé.

Assez rapidement, la sensation de serrement a disparu. La douleur en continu, la lourdeur, la sensation de chaud-froid sont parties, la couleur a changé. Il y a juste un petit œdème qui est resté. Sinon toutes ces sensations désagréables ont disparu. La peau de ma main s’est gentiment endormie.

Début mars, les RSDC® m’ont demandé d’amener trois tissus différents, car on allait réveiller doucement ma main.

Au début, la sensation était assez bizarre, ma main était comme cartonnée. Je passais un tissu sur ma main et après je devais le repasser sur ma peau à un autre endroit pour ressentir les différences.

Les premiers jours, je ne ressentais pas les différences dans les tissus, puis gentiment je percevais d’infimes différences entre eux surtout quand je frôlais la peau de ma main.

Tout était plus vrai. Ma main revivait. Je sentais chaque objet, tissu, plus juste. Je retrouvais le sens du toucher.

Pour moi, l’éveil de la peau de ma main a été merveilleux.

Retoucher mes cheveux : leur texture m’a étonné. Sentir l’eau couler sur ma main : c’était presque divin. Caresser mes animaux : merveilleux. Toucher un arbre, une fleur, une feuille, une orange : j’avais l’impression de redécouvrir ce qui m’entourait.

Je ne dis pas que tout est parfait : mon index, majeur et annulaire sont parfois encore enfles et si j’utilise ma main plus que prévu, j’ai mal au poignet, mais, au moins, j’écoute mon corps, ma main et j’en prends soin.

M. Z.

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