La douleur brûlante chez les patients diabétiques : Quel rôle pour la chirurgie ?
PD Dr. Saja SCHERER, MD[1]
Introduction
Environ un tiers des patients diabétiques développent une neuropathie périphérique pendant leur vie. Parmi les symptômes décrits, on rencontre souvent une diminution de la sensibilité de la peau des extrémités, ainsi que des paresthésies, des syndromes comme celui du tunnel carpien (au poignet) ou ulnaire (au coude). Moins connues, mais pas rares, ces douleurs insupportables concernent jusqu’à un tiers des patients qui souffrent de neuropathie périphérique diabétique. Les douleurs peuvent être causées par un conflit mécanique au niveau de structures anatomiques et restent souvent réfractaires aux traitements médicamenteux.
Etiologie de la neuropathie diabétique
Dans un contexte d’hyperglycémie chronique, les tissus périphériques deviennent oedématiés, car le sucre dans le sang - en particulier le sorbitol (dérivant de la dégradation du glucose) - a un effet osmotique qui cause une rétention d’eau. Les nerfs, en raison de cette rétention d’eau, deviennent sujet à des syndromes compressifs dans des endroits anatomiques étroits bien connus, tel que le tunnel tarsien au pied ou le tunnel carpien à la main. La perpétuation de cette compression dans le temps induit une fibrose intra-nerveuse avec des conséquences néfastes et irréversibles sur la fonction des nerfs. L’utilisation des mains, pour saisir, et des pieds, pour marcher, cause des microtraumatismes aux nerfs périphériques, qui, dans les conditions physiologiques, se régénèrent en continu. Dans le contexte d’un diabète, la glycolisation des protéines empêche le transport axonal : mécanisme essentiel à la régénération nerveuse suite aux microtraumatismes.
En même temps, la vasculopathie et la micro-angiopathie diabétique des vaisseaux qui nourrissent les nerfs périphériques (vasa nervorum) causent la souffrance ischémique de ces nerfs périphériques.
Dans sa globalité, la neuropathie diabétique présente une étiologie multifactorielle qui, sur le long terme, mène à des lésions irréversibles et difficilement traitables.
La neuropathie diabétique peut avoir une origine mécanique.
à cause de pieds “insensibles”, l’approche traditionnelle de la neuropathie diabétique se fait évidemment par la prévention des blessures notamment par le contrôle de la glycémie. Une fois que la neuropathie périphérique s’installe, les traitements médicamenteux comprennent, en plus des antalgiques et anti-inflammatoires traditionnels, des médicaments spécifiques ciblés contre les douleurs neuropathiques spontanées, tels que le Lyrica®, le Gabapentin®, etc.
La douleur qui est associée à la neuropathie présente généralement des sensations de brûlure, des picotements douloureux, des sensations de serrement douloureux. Typiquement, les sensations de brûlures - en particulier nocturnes -, se situent sur la face latérale des cuisses en cas de meralgia paresthetica - nerf cutané latéral de la « cuisse » - ou au niveau de la plante de pieds en cas de syndrome du tunnel tarsien.
Un patient qui n’arrive pas à être soulagé par des essais médicamenteux, devrait être présenté à un spécialiste de chirurgie de nerfs périphériques. Une évaluation clinique peut alors mener à poser l’indication d’une neurolyse – décompression - du nerf à l’origine du problème.
Au jour d’aujourd’hui, il n’existe pas d’examen instrumental ou radiologique qui puisse substituer l’évaluation clinique. Les examens fonctionnels des nerfs périphériques comme l’ENMG, ont une sensibilité faible, avec des faux négatifs jusqu’à plus de 50% des cas, surtout au niveau des examens du membre inferieur. Cela signifie qu’un patient avec des douleurs au niveau de ses extrémités peut avoir un syndrome compressif au niveau de nerfs périphériques malgré des résultats des examens ENMG négatifs.
Si l’examen clinique suggère fortement un syndrome compressif surajouté à la maladie diabétique, un bloc diagnostique, guidé par l’ultrason, peut aider à identifier spécificiquement le nerf qui cause les douleurs. Un bloc diagnostique implique l’anesthésie sélective d’une branche nerveuse : si cela détermine la résolution du syndrome douloureux et si la localisation correspond au point compressif anatomiquement connu, on peut affirmer que cette branche est probablement responsable des douleurs neuropathiques spontanées.
Résultats du traitement chirurgical
Suite à une décompression chirurgicale de nerf périphérique, plus de 80% des patients correspondants aux critères décrits, ressentent une nette diminution durable de leurs douleurs.
Conclusion
La neuropathie diabétique, traditionnellement définie comme progressive et irréversible, peut être, dans certains cas, due à la compression mécanique de certaines branches nerveuses périphériques. La chirurgie de décompression de nerfs (neurolyse), dans ces cas, peut amener une amélioration durable de la symptomatologie douloureuse.
Bibliographie
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Vinik A, Mehrabyan A, Colen L, Boulton A (2004). Focal entrapment neuropathies in diabetes. Diabetes Care, 27(7):1783-1788.
[1] FMH, Spécialiste en chirurgie plastique et reconstructive ; Chirurgie des nerfs périphériques ; Centre Médico-Chirurgical ; Rue de la Morâche 9 ; CH - 1260 Nyon Suisse.