Immersion en terre fribourgeoise : aux origines de la méthode

Mathilde CARNOZIERE, ergothérapeute DE, RSDC® [2]
Sarah PELAT, ergothérapeute DE, RSDC®

« Rien ne s’enseigne que l’élève ne désire apprendre, rien ne s’apprend qui ne requiert son engagement. » (Mérieux, 2014)

Après plusieurs années d’expériences en rééducation sensitive, nos multiples rencontres avec des patient·es atteints de douleurs neuropathiques ont amené l’équipe d’ergothérapeutes dans laquelle nous travaillons à chercher une formation sur site permettant de répondre aux besoins de ces patient·es. Suite à cette réflexion, l’équipe entière s’est formée entre 2019 et 2021 à la méthode de Rééducation Sensitive de la Douleur (RSD). Nous étions alors neuf ergothérapeutes à nous former. De nombreux rebondissements ont eu lieu lors de cette formation proposée sur site : tempêtes de neige drômoises, urgences médicales de la formatrice, déménagement du centre de rééducation et bien entendu… l’arrivée de la COVID. Mais notre motivation était sans faille et celle de nos formateur·trices également. Les adaptations nécessaires ont pu être mises en place, notamment une partie du programme de formation a été faite en visio. Ce fut notre première rencontre avec Claude Spicher et la formidable découverte de Martin Winckler alias Marc Zaffran et sa pensée innovante du soin. Le déménagement du centre attendu depuis quinze ans, la COVID non attendue, elle ! ont retardé notre certification, mais n’ont pas atteint notre motivation et nous voilà donc certifiées en 2022, avec quatre autres collègues.

Depuis 2022, nous essayons d’offrir aux patient·es atteints de douleurs neuropathiques un espace d’accueil au sein de notre centre de rééducation. Nous avons pour cela fait des informations à nos collègues rééducateur·trices, recherché le soutien et l’appui de nos médecins, pris contact avec le centre anti-douleur du centre hospitalier voisin… et nous proposons désormais des consultations dédiées aux douleurs neuropathiques… Nous en sommes fières ! L’équipe a aussi changé avec le départ de plusieurs collègues

et nous restons désormais cinq Rééducatices Sensitives de la Douleur Certifiées (RSDC®) à pratiquer la méthode de (RSD). Bien que nous ayons accès à de nombreuses ressources (merci le https://forum.neuropain.ch/ !), nous sommes souvent en questionnement et nous avons souhaité participer au module pratique avancé pour nous aider à nous perfectionner.

Il aura fallu alors déployer des trésors d’arguments et beaucoup d’énergie afin de convaincre notre direction de nous laisser partir à Fribourg. « Une formation à l’étranger : que de coûts, quelle organisation, c’est loin, est-ce vraiment utile ? ». Mais nous avons tenu bon et argumenté, nous avons demandé cette formation lors de nos entretiens annuels et nous avons été soutenues par nos chefs de service… Et bonne nouvelle, nous avons l’autorisation de partir à Fribourg !

Après trois cents kilomètres nous passons la frontière, nous échangeons nos euros et découvrons le franc Suisse. La route est si belle le long du Léman (et non pas le lac Léman, sacrilège linguistique des Français·es !). Fribourg nous voilà !

Nous sommes accueillies par Florine, Claude, Sandrine et Marie-An. Quel accueil chaleureux ! Le Centre se situe dans un appartement cosy, on se sent tout de suite

« comme à la maison ». Florine qui arrose les fleurs à la pause, Claude qui nous fait gouter son sirop de fleurs de sureaux, Marie-An dans la loveuse (Fig. 1), Sandrine qui nous sert le thé. On apprécie le calme du service et cette ambiance apaisée qui nous change du quotidien d’un grand centre de rééducation où le mouvement est perpétuel, où on est interpellé très souvent, où nous n’avons pas le temps de faire de pause !

Figure 1 : La salle d’accueil – et sa loveuse – centre de rééducation sensitive de Fribourg.

(Photo® : Sarah PELAT RSDC®)

Nous étions attendues sans nul doute, tout était prêt pour nos deux jours de formation et d’observation, même les patient·es étaient informé·es de notre venue.

Dès notre arrivée, Claude repose le cadre. Nous sommes déjà formées, nous connaissons la méthode et notre perfectionnement se fera en observation silencieuse des séances. Un temps pour nos questions et nos échanges se fait en dehors des séances avec les patients. Un temps d’enseignement dédié à notre perfectionnement avait également été prévu, nous permettant de nous questionner sur notre pratique mais également notre positionnement face au patient douloureux.

Le temps, voilà ce qu’il nous manque dans nos pratiques. A Fribourg, pour Claude et son équipe la temporalité de prise en charge est différente de ce dont nous avons l’habitude. En effet, pour chaque patient il y a un temps dédié à la relecture du dossier, un temps avec le patient et un temps pour les comptes rendus. Tout cela se fait de manière simple et fluide. Il est possible que ces différences d’organisation découlent du système de santé national. Nous re-prenons alors conscience que le temps est un allié précieux dans la prise en soins de ces patients. Bien que nous ayons conscience de ce besoin de temps, il a été bénéfique pour nous de l’expérimenter. Le soin doit être une parenthèse temporelle.

Avant d’arriver à Fribourg, pratiquant la méthode de RSD depuis quelques années déjà, nous pensions être entrées dans une sorte de routine. L’observation silencieuse nous a permis de nous rassurer sur certains points. Cela a également permis d’approfondir nos connaissances de la méthode et de clarifier certaines interrogations.

« C’est en prélevant l’information dans un contexte précis et en y apportant un regard critique que les élèves sont acteurs. Ils passent d’une observation passive à une observation active, utile, leur permettant d’interagir par des échanges verbaux et de faire évoluer leur pratique. » (Delaporte, 2019)

Le fait d’avoir déjà pratiqué la méthode a permis de rendre l’observation des séances fructueuse et source d’enseignement. Nos observations suivies des échanges avec Claude et son équipe nous ont permis d’approfondir nos connaissances et de nous rassurer sur nos pratiques.

Il faut le dire, le Centre de Fribourg est un lieu propice à l’apprentissage. Dans cette ambiance cosy on prend plaisir à se documenter. D’ailleurs, nous repartons les bras chargés de documents, d’articles, de références qui vont nous permettre de continuer à nous perfectionner. Le Centre regorge de bibliothèques et l’équipe met à disposition toutes leurs ressources référencées depuis le début de la méthode jusqu’à aujourd’hui. Nous nous sommes rendues compte que la méthode évolue et qu’elle est en pleine croissance. Ce module pratique avancé nous a permis de nous mettre à jour sur les nouveaux termes utilisés et nous a permis d’optimiser notre terminologie.

Figure 2 : Vue ensoleillée sur  la ville de Fribourg.

(Photo® : Sarah PELAT RSDC®)

Ce temps de formation fut également un temps à part dans nos vies personnelles (Fig. 2). Au grès de nos pérégrinations, nous avons pris plaisir à découvrir la cité. Sur les conseils de Sandrine nous avons pu découvrir les meilleures adresses pour apprécier la gastronomie locale. Et sur les conseils de Florine, nous avons trouvé le meilleur fromager de la ville pour ramener un peu de Suisse à la maison.

Ces deux jours sont passés à une vitesse éblouissante, nous repartons les bras chargés de documents, de fromage et plus motivées encore.

Après cinq heures de route et dès notre arrivée au centre de rééducation, notre équipe se rend compte de l’enthousiasme qui nous habite. Nos jeunes collègues qui reviennent depuis peu du cours de base à Montpellier ont déjà hâte de poursuivre leur formation – cours avancé – en octobre. Nous sommes ravies du rayonnement de notre engouement pour la méthode de RSD. Nos collègues nouvellement formées se nourrissent de cela pour parfaire leur motivation.

Nous remercions nos enseignant·es : Claude et son équipe bien entendu, mais également tous/toutes les patient·es qui ont accepté notre présence. Iels sont des enseignant·es à part entière pour les RSDC® que nous sommes. Iels ont autant à nous apprendre que nous avons à leur apporter.

« Je suis patient et je suis ton égal. » Winckler (2019)

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES :

  • Delaporte, B. (2019). Téléchargeable (21/08/2024) : https://urlz.fr/rNhP

  • Meirieu, P. (2014). Le plaisir d’apprendre (Coll. Manifeste). Paris : Editions Autrement.

  • Winckler, M. (2019). L’école des soignants. Paris : POL.

  • Cette charte des soigné·es est téléchargeable (21/08/2024) : https://urlz.fr/rNi6

  • Fayet, N. & Denoël, G. (2020). Rencontre de 27 RSDC® dans le cadre de leur re-certification, e-News Somatosens Rehab, 17(1), 13-18. Téléchargeable (21/08/2024) : https://urlz.fr/rNi0

  • Fayet, N. & Denoël, G. (2023). Rencontre de 24 RSDC® dans le cadre de leur re-certification, e- News Somatosens Rehab, 20(2), 51-55. Téléchargeable (21/08/2024) : https://urlz.fr/m4CG

[1] Correspondance : Centre de Soins de Suite et de Réadaptation (CSSR) le Safran ; 73, boulevard Tézier F-26003 Valence carnoziere.mathilde@ladapt.net

Précédent
Précédent

Estelle Murray, messagère d’espoir

Suivant
Suivant

Une semaine sans smartphone