Dessin N° 1 : fin février 2012
C’est la première fois que j’accepte de donner forme au ressenti traumatique, du plus lointain souvenir lié à la douleur. Cela me fait horriblement peur, mais j’en ressens aussi le besoin impérieux. La douleur, le traumatisme a réveillé les douleurs et les traumatismes figés, restés en suspend et qui résonnent en écho. Je devais avoir environ 3 ans, tout allait bien, je me balançais une main dans chacune des mains de mes parents, ils me soulevaient de terre, et j’avançais d’un élan, d’un bond. Et tout à coup trop d’élan peut-être, mon corps emporté par la gravité, a fait un tour complet sur lui-même, mes bras eux sont restés dans leurs mains déboîtant mes épaules. J’ai eu mal, si mal, je n’avais jamais eu aussi mal de ma vie.
J’ai hurlé de douleur, de peur, de surprise. Black-out après. Souvenirs d’un couloir au bout duquel je vois disparaître ma mère. La peur, la douleur physique, le choc émotionnel, le ressenti, le sentiment d’abandon, se sont liés, fondus, bloqués, ensemble.
Il m’en reste cette peur immense, comme une vague immense, prête à m’engloutir.
Panique, depuis toujours, d’avoir mal de nouveau, de tout re-sentir, de nouveau, de ne rien pouvoir faire, de subir, me sentir sans défense et si impuissante. Sentiment de trahison, de solitude face à la douleur ; je suis inconsolable, rien, ni personne ne peut me consoler, me préserver du mal, c’est cette première prise de conscience là qui émerge de cette expérience. Elle s’est inscrite en moi, au plus profond, dans les os et dans la chair.
Sans doute n’y a-t-il pas d’autre issue que de retraverser l’épreuve, avec mes yeux et ma conscience d’adulte cette fois ?