La charte des soigné·es

Lors de ces neuf derniers volumes, vous avez pu lire successivement neuf traductions de la charte des soigné·es. Une sorte de serment d’Hippocrate inversé, c’est-à-die du point de vue des soigné·es et non des soignant·es. Ci-après, vous pourrez lire l’original de ce texte fondateur d’une relation soignant·e – soigné·e, - bien plus qu’une entrevue – lorsqu’une rencontre permet, peu à peu, de tisser une relation, lorsque l’anamnèse clinique peut devenir un récit à deux voix, qui remonte le fleuve des souvenirs ou des oublis salutaires.

— Winckler, M. (2019). L’Ecole des soignant·es. Paris : P.O.L (pp. 145 – 147)

Je suis patient·e et je suis ton égal·e. Je te choisis pour me soigner.

Pour me soigner au mieux, physiquement, moralement et émotionnellement, tu mettras en œuvre ton savoir, ton savoir-faire, ton intelligence et ton humanité en prenant garde, en tout temps, à ne pas me nuire.

Tu respecteras ma personne dans toutes ses dimensions, quelles que soient mon âge, mon genre, mes origines, ma situation sociale ou juridique, ma culture, mes valeurs, mes croyances, mes pratiques, mes préférences.

Tu seras confident·e et témoin de mes plaintes, mes craintes et mes espoirs sans jamais les disqualifier, les minimiser, les travestir, ou les divulguer sans mon accord. Tu ne les utiliseras pas à ton profit. Tu ne les retourneras pas contre moi. Tu ne me soumettras pas à des interrogatoires inquisiteurs ; tu ne me bâillonneras pas.

Tu partageras avec moi, sans réserve et sans brutalité, toutes les informations dont j’ai besoin pour comprendre ce qui m’arrive, pour faire face à ce qui pourrait m’arriver. Tu répondras patiemment, précisément, clairement, sincèrement et sans restriction à toutes mes questions. Tu ne me laisseras pas dans le silence, tu ne me maintiendras pas dans l’ignorance, tu ne me mentiras pas. Tu ne me tromperas ni sur tes compétences ni sur tes limites.

Tu me soutiendras dans mes décisions. Tu n’entraveras jamais ma liberté par la menace, le chantage, le mépris, la manipulation, le reproche, la culpabilisation, la honte, la séduction. Tu n’abuseras ni de moi ni de mes proches.

Tu te tiendras à mes côtés et tu m’assisteras face à la maladie et à toutes les personnes qui pourraient profiter de mon état. Tu seras pour moi avocat·e, interprète et porte-parole. Tu t’exprimeras en mon nom si je t’en fais la demande, mais tu ne parleras jamais à ma place.

Tu respecteras et feras respecter les lois qui me protègent, tu lutteras avec moi contre les injustices qui compromettent mon libre accès aux soins. Tu te tiendras à jour des connaissances scientifiques et des savoir-faire libérateurs ; tu dénonceras tous les obscurantismes ; tu me protégeras des marchands.

Tu traiteras avec le même respect toutes les personnes qui me soignent et tu travailleras de concert avec elles, quelles que soient leur statut, leur formation, leur mode d’exercice. Tu défendras solidairement tes conditions de travail et celles des autres soignant·e·s.

10° Tu veilleras à ta propre santé. Tu prendras les repos auxquels tu as droit. Tu protégeras ta liberté de penser. Tu refuseras de te vendre.

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