Le travail d’équipe en rééducation sensitive des douleurs neuropathiques
Marie-Élaine LAFRANCE [1] et Véronique RUEL [2] (2)
Abstract
Interdisciplinary teamwork has shown its efficiency in the treatment of patients suffering from neuropathic pain. This type of work model should be prioritized to ensure that all members of the team have shared objectives. It allows optimized outcomes in reducing pain and ensuring patient’s quality of life. We support that Certified Somatosensory Therapists of Pain (CSTP©) stand as central therapists in the care of these patients. They will advocate for proper recommendations aligned with the method of Somatosensory Pain Rehabilitation (SPR ) for the treatment of neuropathic pain. Preferably, several therapists would be certified, or at least trained, to apply the method of SPR in the treatment of neuropathic pain. This context would permit co-therapy with all of its advantages. However, this is not always possible. We have experienced distant, or virtual, regular contacts, in addition to the Neuropain forum, over the past year. This has been of tremendous assistance in developing our skills and efficiency with regards to various somatosensory rehabilitation challenges.
Mots-Clés - Keywords
Interdisciplinarité, rééducation sensitive, douleur neuropathique, co-thérapie, ergothérapie
Interdisciplinarity, somatosensory rehabilitation, neuropathic pain, co-therapy, occupational therapy
Notre réalité
Nous sommes ergothérapeutes et nous travaillons toutes deux auprès de patients ayant des atteintes musculosquelettiques. L’une dans le système de santé public et l’autre en clinique privée.
Dans les deux cas, nous faisons partie d’une équipe de travail comprenant d’autres professionnels de la santé. Par contre, nous sommes les seules ayant complété la formation en rééducation sensitive des douleurs neuropathiques. Dès le début de notre formation en ligne en 2021, nous avons décidé de nous entraider dans l’apprentissage de cette méthode afin d’approfondir nos connaissances en partageant nos expériences et en se questionnant mutuellement. Dans les derniers mois, nous avons eu des contacts hebdomadaires afin de discuter de différents enjeux ou questionnements liés à nos interventions auprès de patients présentant des douleurs neuropathiques, avant d’aller vers le forum. Bien sûr, l’idéal serait d’être plusieurs professionnels formés à la méthode de rééducation sensitive des douleurs neuropathiques dans le même milieu afin de pouvoir faire un suivi conjoint des patients, soit de la co-thérapie. Telle que documentée dans l’ÉBAUCHE DE SYNTHÈSE Co-thérapie avec, tour à tour, trois co-équipières : avantages et inconvénients (Girard et al., 2021), la co-thérapie consiste en deux intervenants, de même profession ou non, ayant la même approche thérapeutique et le même plan d’intervention, offrant un suivi en alternance auprès d’un même patient. Cette co-thérapie offre plusieurs avantages. Notamment, elle permet d’avoir accès aux idées et à la créativité de deux professionnels, elle permet d’échanger sur la situation d’un patient, d’être soutenu dans le travail, d’avoir des échanges réguliers en lien avec la relation thérapeutique, d’éviter l’interruption des suivis (exemple, lors des vacances ou formations d’un des thérapeutes) et d’enrichir sa pratique grâce à l’expérience de l’autre thérapeute.
Dans nos milieux respectifs, nous devons bien souvent porter seule la rééducation sensitive des douleurs neuropathiques dans une équipe composée de physiothérapeutes, kinésiologues, acupuncteurs, ostéopathes et psychologues. Dans la réalité de notre environnement de travail, les médecins peuvent parfois être difficiles à rejoindre et sont prescripteurs de retour au travail pour nos patients. Ainsi, même si nous avons des discussions d’équipe, même si nous partageons nos évaluations et recommandations avec les autres professionnels, le suivi de ces patients comporte plusieurs défis.
Ces défis nous ont amenées à nous questionner davantage sur le travail d’équipe avec différents professionnels, sur la différence entre le travail en équipe multidisciplinaire versus le travail en équipe interdisciplinaire en lien avec le traitement des douleurs neuropathiques, ainsi qu’à nous intéresser à la co-thérapie dans des milieux où cette pratique n’est pas en place.
Équipe multidisciplinaire
Le travail en multidisciplinarité inclut des échanges réguliers avec les autres professionnels impliqués auprès du patient (Payette, 2001). Cependant, chacun assume seul le choix, la planification et l’implantation de ses interventions. La pluridisciplinarité, elle, se veut une juxtaposition de disciplines (Guespin-Michel, 2016). Dans ce concept, on trouve les notions de coordination, de complémentarité des interventions propres à chacune de ces disciplines autour d’un même patient.
Toutefois, au sein d’une équipe multidisciplinaire, les professionnels interviennent chacun avec leur propre approche auprès des patients. Chaque professionnel fait une évaluation et établit ses objectifs et ses modalités de traitement. Pour imager le tout, les interventions sont indépendantes les unes des autres, comme en silo.
Néenmoins, nous sommes considérablement d’avis qu’« il est nécessaire de coopérer si nous voulons éviter, avec notre réductionnisme chronique, de morceler le patient en nombre de parties égales au nombre d’intervenant.” (Spicher et al., 1996)
Équipe interdisciplinaire
L'interdisciplinarité se comprend comme une interaction entre les différentes disciplines impliquées auprès du patient, dans une approche intégrée des connaissances, des expertises qui leurs sont propres (Payette, 2001). Cela réfère à la coopération des disciplines choisies pour résoudre une problématique, souvent complexe, qui appartient ou non au domaine de l’une d’elles (Guespin-Michel, 2016).
Ainsi, dans une approche interdisciplinaire, les différents professionnels ont des objectifs communs pour un même patient et travaillent vers l’atteinte de ces objectifs en vue de la résolution d’une problématique fonctionnelle. Dans le contexte plutôt complexe du traitement des douleurs neuropathiques, un modèle d’intervention interdisciplinaire aide à générer un message clair, concis et constant mettant l’emphase sur le rôle actif du patient dans sa prise en charge, la gestion de ses symptômes et la progression de ses exercices et activités (Stanos & Houle, 2006). Pour le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), l’interdisciplinarité doit être privilégiée à une simple agrégation de disciplines (Jollivet, 2002), et ce afin que l’apport de chaque discipline soit mobilisé dans l’étude de la complexité, cette notion si importante nous permettant d’accéder aux mécanismes de distinction, de conjonction et d’implication (Murray et al., 2022). C’est donc dans cette perspective que nous croyons que le travail interdisciplinaire doit être au cœur de notre démarche thérapeutique, pour le bénéfice du patient, qui est ainsi placé au centre de ses objectifs fonctionnels.
L’apport de chaque professionnel dans l’équipe interdisciplinaire
La situation la plus simple est lorsqu’un patient est référé en réadaptation avec une condition connue de douleur neuropathique, tel que, par exemple, un diagnostic de syndrome douloureux régional complexe. À ce moment, l’évaluation et la prise en charge peuvent être immédiatement orientées vers le professionnel adéquatement formé à l’utilisation de la méthode de rééducation sensitive des douleurs neuropathiques.
Cependant, dans d’autres situations, le patient est référé dans un contexte de blessures orthopédiques, avec un ou des diagnostics d’atteintes musculosquelettiques. À ce moment, il est important que les différents professionnels soient sensibilisés aux signes et symptômes pouvant être expliqués par une lésion des axones Aβ. En effet, un dépistage efficace entraîne une référence rapide à un professionnel formé à la méthode de rééducation sensitive des douleurs neuropathiques lorsque requis. Par la suite, l’orientation thérapeutique peut être ajustée selon les conclusions de l’évaluation. Dans le contexte de nos emplois respectifs, la physiothérapie est souvent la première profession impliquée auprès d’un patient à la suite d’une blessure musculosquelettique. Ainsi, il est important que le physiothérapeute puisse dépister rapidement la présence d’une composante de douleur neuropathique.
Suite à une référence, la condition neuropathique doit être mise en évidence par les signes d’examen clinique. Cela permettra d’orienter les objectifs fonctionnels de l’équipe interdisciplinaire et les interventions des différents professionnels.
Par exemple, une fois l’allodynie mécanique cartographiée et la prescription de ne pas toucher, autant que possible illustrée, il est important de bien l’expliquer au patient et à toutes les personnes intervenant dans son dossier. La stimulation des territoires allodyniques peut provoquer des douleurs a posteriori. Même si la douleur provoquée par cette stimulation est supportable lors d’une intervention ou d’une activité, les douleurs peuvent augmenter, perdurer pendant des heures et entraîner plusieurs nuits sans repos. Plus encore, l’état allodynique peut se détériorer (Spicher et al., 2010).
Donc, la première intervention commune sera pour tous les professionnels (entre autres, ergothérapeute, physiothérapeute, ostéopathe, acupuncteur et médecin) de mettre en place des évaluations et des modalités respectant la contre-indication de toucher le territoire allodynique.
Le patient doit être considéré dans toute son individualité. Avec ses croyances, ses peurs et ses attentes face à sa réadaptation. Il est primordial de mettre en place un climat de confiance dans lequel le lien thérapeutique pourra se développer. Lors de la première rencontre, l’anamnèse permettra au rééducateur des douleurs neuropathiques de comprendre l’expérience du patient en termes de symptômes et d’impacts fonctionnels sur sa vie et d’être guidé pour son évaluation. Le patient est au cœur de l’équipe interdisciplinaire. L’ébauche de synthèse ouverte, soigneusement rédigée par Estelle Murray, Marie-Charlotte Branchet et Claude Spicher dans cette édition, insiste sur un fait : le patient, et ses douleurs, ne peuvent être réduits à une simple lésion organique. Il est d’ailleurs important, pour les cliniciens, d’accueillir une présence, dans le dialogue, dans les symptômes exprimés par le patient, le soigné, pour être en mesure d’initier un raisonnement clinique complexe (Murray et al., 2022). Ainsi, ce dialogue est le point de départ pour toutes les interventions, toutes disciplines confondues, en équipe ou non! Les objectifs de la prise en charge doivent aussi être élaborés en collaboration avec le patient afin que ceux-ci soient signifiants pour lui. Par la suite, l’éducation thérapeutique au patient, dans des termes clairs et compréhensibles pour lui, sera primordiale afin qu’il comprenne sa condition et l’importance de respecter les recommandations de l’équipe traitante. Le patient doit être prêt à faire preuve de discipline et d’assiduité par rapport à la méthode. La prescription de ne pas toucher peut s’avérer très difficile, selon la localisation du territoire allodynique et il est possible que le patient doive modifier plusieurs habitudes de vie pour la respecter. Il peut aussi s’avérer utile de rencontrer ou de faire de l’enseignement auprès de l’environnement social du patient.
Au Québec, le médecin traitant est prescripteur de traitements. En effet, pour que les suivis thérapeutiques soient couverts par les assurances, il est généralement nécessaire que le patient soit référé par le médecin. Aussi, il prescrit la médication et les investigations médicales. C’est aussi lui qui autorise ou infirme le retour au travail.
L’ergothérapeute agit à titre d’intervenant pivot dans plusieurs milieux en raison de son approche bio-psycho-sociale-spirituelle. En effet, l’ergothérapeute voit le patient de façon globale. Avec l’analyse d’activités, il peut aider le patient à respecter les recommandations émises. Il peut intervenir à la fois sur la personne (entre autres, intégration de stratégies de gestion active des douleurs et de l’énergie, développement de capacités fonctionnelles ou de stratégies compensatoires), sur l’occupation (entre autres, modification de la façon de faire la tâche) et sur l’environnement (entre autres, utilisation d’aides techniques, implication des membres de la famille).
Le physiothérapeute est un autre professionnel généralement impliqué auprès des patients présentant une condition neuropathique. Les interventions en physiothérapie comprennent, entre autres choses, des modalités antalgiques, la thérapie manuelle, les exercices de mobilité articulaire et de renforcement musculaire. Ainsi, ils peuvent mettre en place des programmes d’exercices permettant de contrer la kinésiophobie (Scholten & Harden, 2015). Tout comme l’ergothérapeute, il participe à l’enseignement au patient en ce qui a trait au contrôle et à la gestion de la douleur au quotidien. Au Québec, ils sont la clé pour l’accès et l’enseignement relié au TENS.
L’ostéopathe est parfois impliqué dans les cliniques privées. Dans le cas d’un patient ayant un territoire allodynique, il devra travailler sous ou au-dessus de ce territoire afin de libérer les blocages articulaires, viscéraux, musculaires, liquidiens, émotionnels ou dans les fascias. L’ostéopathie travaille en profondeur les tissus sans leur imposer de fortes contraintes et sans qu’il soit obligé de mobiliser le corps dans l’espace. Il favorise l’équilibre du système nerveux afin d’optimiser le repos et la diminution des douleurs (Spicher et al., 2010).
En acupuncture, le traitement consiste à rééquilibrer les énergies du patient via l’insertion d’aiguilles au niveau de points spécifiques sur le corps. Pour les patients présentant des territoires allodyniques, les points d’acupuncture se feront près du territoire défini dans une optique d’activation locale de la circulation de l’énergie et du sang afin d’obtenir une diminution des douleurs. Il est aussi possible de faire des points à distance du territoire allodynique (par exemple, sur le côté opposé du corps) (Spicher et al., 2010). Aussi, l’acupuncteur peut adresser des troubles concomitants chez certains patients tels que l’anxiété, le stress ou l’insomnie.
L’implication d’un psychologue est non négligeable auprès des patients ayant des douleurs neuropathiques chroniques. Ces patients peuvent présenter un trouble anxieux, affectif ou encore une distorsion de leur image corporelle (Scholten & Harden, 2015). La thérapie cognitivo-comportementale peut être utilisée afin, entre autres, de modifier les pensées reliées à la signification de la douleur (remplacer les sentiments de désespoir, d’impuissance et de passivité), de limiter les fausses croyances, d’améliorer les habiletés de gestion de la douleur et de prendre conscience de l’impact de la métacognition et de ses comportements sur l’expérience vécue par rapport à la douleur.
Par ailleurs, certains exercices de relaxation, la méditation en pleine présence et la cohérence cardiaque peuvent avoir des effets positifs pour nos patients tels que l’augmentation du sentiment d’efficacité personnelle, la diminution de la négativité (ce qui diminue la perception de la douleur), la diminution du stress et l’amélioration du sommeil. Ces aspects peuvent être adressés par l’un ou l’autre des professionnels ou mis en relation entre toutes les thérapies connexes.
Le pharmacien peut être impliqué à divers niveaux selon le patient, le type de référence et l’endroit où se trouve notre pratique. Ainsi, l’implication du pharmacien peut être estimable en termes de solutions pour une gestion efficace de la douleur tout au long du parcours de la rééducation sensitive en addition au médecin prescripteur.
Discussion
Ainsi, nous sommes d’avis qu’il est primordial de favoriser le travail interdisciplinaire avec nos patients ayant des douleurs neuropathiques, afin que tous puissent arrimer leurs interventions et plan d’intervention aux termes d’objectifs communs, au bénéfice du patient. Cependant, considérant que plusieurs patients sont référés pour un diagnostic musculosquelettique et que différents professionnels peuvent être impliqués auprès des patients, il est indispensable que les professionnels non formés à la méthode de rééducation sensitive des douleurs neuropathiques soient à même de dépister la présence d’une composante de douleur neuropathique. Conséquemment, des questionnaires ou listes de signes et symptômes à valider devraient être accessibles facilement pour nos collègues. Par exemple, le painDETECT est un outil qui peut être utilisé pour ce type de dépistage. Il documente l’intensité, la fréquence et le type de douleur (entre autres, brûlure, picotement, douleur au toucher léger, choc électrique ou sensibilité diminuée) (Freynhagen et al., 2006). Dès lors, une référence appropriée vers un professionnel formé en rééducation sensitive peut être effectuée, maximisant ainsi le potentiel de guérison.
Par ailleurs, nous considérons que l’apport de l’ergothérapie au sein de l’équipe interdisciplinaire, pour le traitement des patients ayant des douleurs neuropathiques, est considérable. Premièrement, l’ergothérapeute peut intervenir, entre autres, au niveau de la reprise des activités signifiantes, de la réorganisation des habitudes de vie (modification ou adaptation), de l’hygiène posturale dans la réalisation des activités quotidiennes et de l’enseignement de diverses stratégies de gestion des douleurs et de l’énergie. De plus, dans nos expériences de pratique, l’ergothérapeute est souvent le professionnel qui communique avec les référents, en raison de son approche globale du patient. Cela fait ainsi de l’ergothérapeute l’intervenant pivot dans plusieurs dossiers. Son rôle peut être d’autant plus important lorsque, comme nous, il s’agit du professionnel formé à l’approche de rééducation sensitive. En effet, la résolution des douleurs neuropathiques est fondamentale dans la réadaptation du patient et la reprise de ses habitudes de vie. À cet effet, le rôle du rééducateur sensitif de la douleur est même central dans cette réadaptation puisque la douleur incommode toutes les sphères de la vie. Ainsi, grâce aux suivis hebdomadaires en rééducation sensitive, nous sommes en mesure de guider les autres professionnels sur les territoires à éviter de toucher ou les articulations pour lesquelles les mouvements doivent être évités pour un certain temps, puis quand le toucher ou les mouvements seront permis de nouveau.
Toutefois, dans certains dossiers, il sera parfois nécessaire de rediscuter du plan d’intervention, établi selon l’évolution du patient. Puisque dans une équipe interdisciplinaire, chaque professionnel a, tout de même, des compétences spécifiques, il se peut qu’une nouvelle problématique vienne influencer l’orientation thérapeutique du dossier. Par exemple, il peut parfois être nécessaire de mettre de côté la rééducation sensitive lorsque certaines chirurgies sont essentielles ou que le patient n’est pas disponible pour réaliser les exercices pluriquotidiens. Les échanges en équipe interdisciplinaire permettent ces discussions et favorisent la prise d’une décision éclairée avec le patient, pour maximiser sa qualité de vie et son potentiel de guérison. Il est donc primordial que le rééducateur sensitif des douleurs neuropathiques transmette les informations pertinentes de façon concise et précise à tous les partenaires impliqués, dont le médecin traitant.
L’approche en rééducation sensitive est la pierre angulaire du traitement des douleurs neuropathiques. Dans bien des cas, chaque rééducateur travaille seul dans son milieu. En l’absence de co-thérapeutes au sein d’une même équipe interdisciplinaire, nous avons expérimenté une formule différente. Nos besoins étaient d’avoir un mentorat mutuel avec un autre thérapeute avec des connaissances et une formation en rééducation sensitive des douleurs neuropathiques avec qui échanger sur une base régulière. Cela nous a permis de discuter de l’approche, de nous amener à pousser plus loin nos réflexions, à cibler de nouvelles stratégies ou pistes d’intervention auprès de nos patients et de parler de nos défis avec les autres professionnels. Il est souvent plus facile d’échanger de vive voix. Ces discussions nous ont souvent amenées à répondre à nos questionnements tout en améliorant notre identité d’ergothérapeute formées à la méthode de rééducation sensitive des douleurs neuropathiques. Bien entendu, le forum est un merveilleux outil afin d’obtenir le point de vue de plusieurs autres personnes expérimentées. D’ailleurs, nous nous sommes retournées vers la communauté à plusieurs reprises dans les derniers mois afin d’aller chercher de l’aide supplémentaire. Cependant, comme les règles entourant les professions, les conditions de pratique, les lignes directrices et les lois diffèrent entre les pays, il nous est apparu grandement bénéfique d’échanger entre nous, provenant de la même région du monde.
Conclusion
Les recherches faites et la rédaction de cet éditorial nous ont amené beaucoup de réflexions constructives. Nos principales conclusions, suite au travail fait, sont les suivantes :
Les termes multidisciplinaire et interdisciplinaire sont trop souvent utilisés, de façon erronée, comme synonyme. Même si les deux impliquent le travail de plusieurs professionnels auprès d’un même patient, la différence est significative pour le patient souffrant de douleurs neuropathiques et le travail en équipe interdisciplinaire doit être mis en avant ;
Nous constatons la présence de plus en plus importante de littérature scientifique concernant l’ergothérapie et la méthode de rééducation sensitive des douleurs neuropathiques. En effet, plusieurs démarches scientifiques, incluant d’innombrables heures de travail, ont été faites afin de promouvoir cette méthode auprès des professionnels travaillant avec cette clientèle. Toutefois, dans notre expérience, nous sommes confrontées à plusieurs personnes ignorantes de cette approche appuyée sur les données probantes et ayant un niveau d’évidence 2b (Bouchard et al., 2021). Il s’agit donc d’un travail à poursuivre, pour chacun d’entre nous, afin de renseigner nos collègues et référents sur l’évaluation et le traitement des douleurs neuropathiques. Grâce à la formation complétée, nous sommes à même de mieux promouvoir l’approche et ainsi, favoriser les références et les prises en charges plus efficaces pour les patients souffrant de douleurs neuropathiques. Ainsi, nous croyons que le travail est à poursuivre, du moins dans notre pratique québécoise, afin de continuer à faire connaître l’approche en rééducation sensitive des douleurs neuropathiques et ses bienfaits pour les patients qui souffrent depuis déjà trop longtemps ;
Pour ce qui est de l’entraide entre rééducateurs, vous allez certainement voir passer nos questionnements sur le forum ! Néanmoins, nous avons envie de poursuivre notre expérimentation avec nos discussions virtuelles régulières. Notre stratégie sera de planifier ces rencontres à nos horaires, de façon à toujours avoir un moment pour discuter. Pour le moment, il est trop tôt pour dire si cette solution se perdra dans nos contextes de pratique, … Nous essaierons avec sérieux et si cela vous intéresse, nous pourrons vous en donner des nouvelles !
Références
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[1] MSc erg, RSDC®, Centre Intégré de Santé et Services Sociaux de Lanaudière, Joliette, (Qc, Canada). Courriel pour correspondance : marie-elaine.lafrance.cissslan@ssss.gouv.qc.ca
[2] BSc erg, RSDC®, Clinique de physiothérapie Daigneault - Membre du groupe PhysioExtra, St-Hyacinthe, (Qc, Canada)